arnaud maïsetti | carnets

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(toujours recommencée)

jeudi 7 juin 2012

Oui, ce serait
des bouts de ciel, immenses
qu’ailleurs impossible
tu lèverais la tête pour ne voir que son fragment, sa part la pus retranchée en toi
et les mains, tendues comme sur un corps qui dirait je ne suis qu’une présence accordée à la pluie
dans sa blessure, tu fouillerais loin les couleurs bleues de ses pensées
mais tu es seul
quand le monde est tout ce que tu n’es pas
que c’est là unique certitude qui dit ce que tu es, et là où
il y aurait finalement cette image
du ciel comme une bataille, lit défait de l’histoire qui recule

oh la terre comme tu dormirais contre elle les larmes qui étanchent
la mer là-bas conduit à ce pays qui n’appartient plus à tes rêves
tu plongerais tes chevilles dans l’eau pour lui être relié, comme du sang des sœurs de sang — mais tu ne le feras pas, resteras sur la plage, et la mer recule
mais ce qu’elle recule avec elle, tu ne le sais pas
tu crois que c’est une part de toi
tu esperes peut-être que c’est une part de toi
tu vois la part de toi que tu espères reculer mais ce n’est que de la mer
tu ne pourrais pas cracher en elle sans lui dire que tu voudrais la rejoindre
alors tu regardes longuement, le bruit qu’elle fait en partant
la marée basse est un corps surpris dans un lit, offert à sa devoration
tu lèveras la tête une dernière fois pour interroger le ciel qui se cache
tu ne verras même pas que tous les nuages qu’il agite, c’est sa manière de se montrer mieux
tu ne le sauras pas
tu ne le sauras que lorsque tu regarderas le ciel dans l’image que tu lui auras volée

tu prendras cela pour des bouts de ciel, immenses
tu aurais la tentation de l’écrire, s’il n’y avait la question du monde entier, qui pourrait bien, si tu n’y prends pas garde, se pencher au-dessus de ton épaule, et lire
toi, tu gardes les vagues à l’âme pour moi
qui les conserve précieusement, quand je saurai viser

pour le moment, pas question de viser, ni de cible, ni de
que le ciel, que tu regardes
tu ne sais pas que c’est lui qui te regarde
il pose sur toi des yeux plus grands encore

et la lumière sur son visage

et quand tu t’en iras, avec cette image volée
que tu serais tenté d’ecrire
il aura changé comme de mille ans

Oui
à la mille et unième, tu te retourneras

tu lui diras je suis là
je reviens
pour le moment, tu t’eloignes encore, la terre est toute là, plus grand que le ciel, et la mer, la mer recommencerait sans toi, elle emporte ta part de toi dans le monde qui l’attire à elle, ses amants plus grands que toi, qui t’ont précédé pour toujours, et rendent le désir plus violent encore

Tu t’eloignes

Toi, tu marches la terre neuve et le ciel est avec toi, et la mer, ton alliée parmi les hommes — tu auras l’image d’elle immense,

Sur laquelle ton image à toi viendra se poser, la fouiller encore, la blessure vive des désirs qui la recommencent

Tu irais comme de la mer va sur le corps mordu, sexe lent des haleurs mortelles qui disent, et tu réponds dans l’écho, et je dis aussi dans la fugue de nos voix qui s’échangent avec la salive de l’écume, dans nos bouches ouvertes et qui crient, remplacent le vent pour dire : c’est là, je suis vivant si je le décide

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