arnaud maïsetti | carnets

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la poésie est-elle encore impossible ?

mercredi 21 novembre 2012

c’est au dix-huitième étage de la BNF — le Belverdère tout près du ciel, le #midi, juste avant l’enfoncée en sous-sol pour la lecture de l’après-midi — l’enfoncement dans moi-même aussi pour la parole brève mais violente, serrée contre moi comme un secret qu’on délivre (et devant, à bout portant, des visages plongés dans le noir, oh quelle autre image plus juste que cette plongée, et le noir, l’invisible des corps — même si pourtant ; il y avait les visages amis dans la lumière derrière qui soutenait tout ; et il y avait l’adresse dans le noir rougi de sang au visage comme les fauteuils, comme les rideaux, comme l’attente)

Mais avant donc, on montera tout là-haut — j’avais déjà regardé la ville d’ici, mais c’est toujours à couper le souffle. On est si haut, qu’on se dit qu’on n’est encore pas assez haut. On voit mieux, puisqu’on ne voit rien des rues que des traits au crayon. Et les circulations, seulement des vitesses, ralenties. Un grand corps d’écriture, oui, un corps à prendre, on pourrait tomber presque pour cela.

Je dirai peut-être un jour ici la lecture (mais les mots de celle-ci suffisent peut-être, c’est-à-dire qu’ils ne suffisent pas, et c’est cela qui suffit) ; mais la hauteur, non, je n’en dirai rien — la hauteur avant cette chute dans le corps et sa langue quand on la voudrait, différence de potentiel, de cette vitesse là tombée : c’est la seule loi de physique que j’ai retenue (et encore, si mal, que j’invente tout peut-être))

je ne dispose pour dire la profondeur de cela,que des images en hauteur : la ville comme on ne la voit pas, et qu’elle parait si petite quand elle est si vaste. j’ai posé mes doigts sur la vitre, et j’ai regardé longuement, comme si mon regard pouvait en éprouver le pouls. il battait fort.

et le visage de Saint-Just sur tout cela, de ses cheveux tombés à nos pieds

la poésie est-elle encore impossible ? (la question de Roubaud, portée toute cette journée ; je la porterai encore jusqu’à la fin de la semaine, en talisman)