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Valerie Solanas | SCUM Manifesto

Vivre dans cette société, c’est au mieux y mourir d’ennui.

lundi 13 janvier 2020

J’ignorais tout de ce texte : SCUM Manifesto, écrit par Valérie Solanas — dont je lis ce matin, par bribes, la vie qui semble un poème de Ginsberg, en plus déchirant.

On a besoin, ces jours, ces mois, ces années, d’outils pour penser les places qu’on occupe, quelles qu’elles soient, qui sont autant de positions de pouvoir qu’insidieusement on exerce, et mieux travailler à se déplacer, à déjouer ces positions, penser contre soi et l’époque qui pense en nous.

La pensée féministe, son versant radicale, est de grande leçon : parce qu’elle porte sur le langage et les gestes, les actions, elle renouvelle de fond en comble les impensées qui nous traverse. Aussi, elle exige une attention renouvelée à soi et aux autres, appelée chaque jour à s’exercer. L’émancipation n’est pas valeur acquise, plutôt ce travail qui nous met face à nos contradictions, et qui engage.

Ce texte peut être lu sur beaucoup de sites d’activistes féministes : je le reprends ici, et la préface de Christiane Rochefort : "Définition de l’opprimé".


Il a fallu le coup de revolver contre Andy Warhol [en juin 1968] pour que Maurice Girodias publie SCUM Manifesto…
Paul Krassner,
commentaire à la première édition de SCUM Manifesto par Olympia Press, 1968.

Quelques mois de plus à colporter SCUM Manifesto au long de la 42e rue, et je peux laisser tomber l’aide sociale.
Maurice Girodias, 1978.


DÉFINITION DE L’OPPRIMÉ

Il y a un moment où il faut sortir les couteaux.
C’est juste un fait. Purement technique.
Il est hors de question que l’oppresseur aille comprendre de lui-même qu’il opprime, puisque ça ne le fait pas souffrir : mettez-vous à sa place.
Ce n’est pas son chemin.
Le lui expliquer est sans utilité.
L’oppresseur n’entend pas ce que dit son opprimé comme un langage mais comme un bruit. C’est dans la définition de l’oppression. En particulier les « plaintes » de l’opprimé sont sans effet, car naturelles. Pour l’oppresseur il n’y a pas oppression, forcément, mais un fait de nature.
Aussi est-il vain de se poser comme victime : on ne fait par là qu’entériner un fait de nature, que s’inscrire dans le décor planté par l’oppresseur.
L’oppresseur qui fait le louable effort d’écouter (libéral intellectuel) n’entend pas mieux.
Car même lorsque les mots sont communs, les connotations sont radicalement différents. C’est ainsi que de nombreux mots ont pour l’oppresseur une connotation-jouissance, et pour l’opprimé une connotation-souffrance. Ou : divertissement-corvée. Ou : loisir- travail. Etc. Allez donc causer sur ces bases.
C’est ainsi que la générale réaction de l’oppresseur qui a « écouté » son opprimé est, en gros : mais de quoi diable se plaint- il ? Tout ça, c’est épatant.
Au niveau de l’explication, c’est tout à fait sans espoir. Quand l’opprimé se rend compte de ça, il sort les couteaux. Là on comprend qu’il y a quelque chose qui ne va pas. Pas avant.
Le couteau est la seule façon de se définir comme opprimé. La seule communication audible.
Peu importent le caractère, la personnalité, les mobiles actuels de l’opprimé.
C’est le premier pas réel hors du cercle. C’est nécessaire.

Christiane Rochefort


SCUM MANIFESTO
Valérie Solanas, 1967

Vivre dans cette société, c’est au mieux y mourir d’ennui. Rien dans cette société ne concerne les femmes. Alors, à toutes celles qui ont un brin de civisme, le sens des responsabilités et celui de la rigolade, il ne reste qu’à renverser le gouvernement, en finir avec l’argent, instaurer l’automation à tous les niveaux et supprimer le sexe masculin.

Grâce au progrès technique, on peut aujourd’hui reproduire la race humaine sans l’aide des hommes (ou d’ailleurs sans l’aide des femmes) et produire uniquement des femmes ; conserver le mâle n’a même pas la douteuse utilité de permettre la reproduction de l’espèce. Le mâle est un accident biologique ; le gène Y (mâle) n’est qu’un gène X (femelle) incomplet, une série incomplète de chromosomes. En d’autres termes, l’homme est une femme manquée, une fausse couche ambulante, un avorton congénital. Être homme c’est avoir quelque chose en moins, c’est avoir une sensibilité limitée. La virilité est une déficience organique, et les hommes sont des êtres affectivement infirmes. L’homme est complètement égocentrique, prisonnier de lui-même, incapable de partager, ou de s’identifier à d’autres ; inapte à l’amour, à l’amitié, à l’affection, la tendresse. Cellule complètement isolée, incapable d’établir des relations avec qui que ce soit, ses enthousiasmes ne sont pas réfléchis, ils sont toujours animaux, viscéraux, son intelligence ne lui sert qu’à satisfaire ses besoins et ses pulsions. Il ne connaît pas les passions de l’esprit ni les échanges mentaux ; il ne s’intéresse qu’à ses petites sensations physiques. Il n’est qu’un mort-vivant, un tas insensible, et pour ce qui est du plaisir et du bonheur, il ne sait ni en donner ni en recevoir. Au mieux de sa forme, il ne fait que distiller l’ennui, il n’est qu’une bavure sans conséquence, puisque seuls ont du charme ceux qui savent s’absorber dans les autres. Emprisonné dans cette zone crépusculaire qui s’étend des singes aux humains, il est encore beaucoup plus défavorisé que les singes parce que, au contraire d’eux, il présente tout un éventail de sentiments négatifs - haine, jalousie, mépris, dégoût, culpabilité, honte, blâme, doute - pis encore, il est pleinement conscient de ce qu’il est et de ce qu’il n’est pas.

Bien qu’il ne soit qu’un corps, l’homme n’est même pas doué pour la fonction d’étalon. À supposer qu’il possède une compétence purement technique - bien rare en vérité - on ne peut déceler aucune sensualité, aucun humour dans sa façon de s’envoyer en l’air. Quand ça lui arrive, il culpabilise, il est dévoré de honte, de peur et d’angoisse (sentiments qui ont leurs racines profondément ancrées dans la nature du mâle, et même l’éducation la plus éclairée ne peut en venir tout à fait à bout). Ensuite, la jouissance qu’il en tire est proche du néant. Et pour finir, obsédé qu’il est par son désir de bien s’en sortir, de battre un record, de ramoner consciencieusement, il se soucie peu d’être en harmonie avec sa partenaire. C’est encore trop le flatter que de le comparer à un animal. Il n’est qu’une mécanique, un godemiché ambulant. On prétend souvent que les hommes utilisent les femmes. Les utilisent à quoi ? En tout cas, sûrement pas au plaisir.

Rongé qu’il est de culpabilité, de honte, de peurs et d’angoisses, et malgré la vague sensation décrochée au bout de ses efforts, son idée fixe est toujours : baiser, baiser. Il n’hésitera ni à nager dans un océan de merde ni à s’enfoncer dans des kilomètres de vomi, s’il a le moindre espoir de trouver sur l’autre rive un con bien chaud. Il baisera n’importe quelle vieille sorcière édentée, n’importe quelle femme même s’il la méprise, et il ira jusqu’à payer pour ça. Et pourquoi toute cette agitation ? Si c’était pour soulager une tension physique, il lui suffirait de se masturber, et puis s’il va jusqu’à violer des cadavres et des bébés, ce n’est sûrement pas pour combler son ego. Alors pourquoi ? Complètement égocentrique, incapable de communiquer et de s’identifier aux autres (voir plus haut), n’existant que par une sexualité endémique et diffuse, le mâle est psychiquement passif. Et parce que sa propre passivité lui fait horreur, il tente de s’en débarrasser en la projetant sur les femmes. Il postule que l’homme est Actif, et s’attache ensuite à démontrer qu’il est actif, donc qu’il est un Homme. Et pour ce faire, il baise ! (Moi je suis un Vrai Mec et j’ai une Grosse Queue et comment que je Tire mon Coup). Mais comme ce qu’il cherche à démontrer est faux, il est obligé de toujours recommencer. Alors baiser devient un besoin irrépressible, une tentative désespérée de prouver qu’il n’est pas passif, qu’il n’est pas une femme. Mais en fait il est passif, et son désir profond est d’être une femme. Femelle incomplète, le mâle passe sa vie à chercher ce qui lui manque, à tenter de devenir une femme. Voilà pourquoi il est constamment à l’affût des femmes, voilà pourquoi il fraternise ; il veut vivre à travers elles, se fondre en elles. Voilà pourquoi il revendique tout ce qui caractérise en fait les femmes, la force de caractère et l’indépendance affective, l’énergie, le dynamisme, l’esprit d’initiative, l’aisance, l’objectivité, l’assurance, le courage, l’intégrité, la vitalité, l’intensité, la profondeur, le sens de la rigolade, etc. Voilà pourquoi il projette sur les femmes tout ce qui caractérise les hommes, la vanité, la frivolité, la banalité, la faiblesse, etc. (Il faut cependant reconnaître qu’il existe un domaine dans lequel les hommes sont largement supérieurs aux femmes : celui des relations publiques. C’est de cette façon qu’ils réussissent à faire croire à des millions de femmes qu’elles sont des hommes et vice versa). Les hommes prétendent que les femmes trouvent leur épanouissement dans la maternité et la sexualité, ce qui correspond à ce qu’ils trouveraient satisfaisant, les pauvres, s’ils étaient des femmes. Autrement dit, ce ne sont pas les femmes qui envient le pénis, mais les hommes qui envient le vagin. Lorsque le mâle se résout finalement à accepter sa passivité et se définit comme femme (les hommes, aussi bien que les femmes, prennent chaque sexe pour l’autre), bref lorsque le mâle devient un travesti, il perd tout désir de baiser (ou de quoi que ce soit d’autre, d’ailleurs, son rôle de vamp à pédé lui suffit), et il se fait couper la queue dans l’espoir de ressentir on ne sait quelle vague jouissance permanente à l’idée d’être femme. Baiser permet aux hommes de se protéger contre leur désir d’être des femmes. La sexualité est en elle-même une sublimation.

Sa recherche frénétique de compensations - parce qu’il n’est pas une femme - combinée avec son incapacité fondamentale à communiquer et à compatir, a permis à l’homme de faire du monde un gigantesque tas de merde. Il porte l’entière responsabilité de :

LA GUERRE

Le système de compensation le plus courant du mâle, savoir dégainer son gros calibre, se révélant notoirement inefficace, puisqu’il ne peut le sortir qu’un nombre très limité de fois, il dégaine sur une échelle franchement massive, donc sublime, prouvant ainsi au monde entier qu’il est un « Homme ». Du fait de son incapacité à éprouver de la compassion pour les autres, à les comprendre ou à s’identifier à eux (voir plus haut), il trouve que l’affirmation de sa virilité vaut bien toutes sortes de mutilations et de souffrances, et il la fait passer avant un nombre incalculable de vies humaines, la sienne comprise. Pour ce que vaut celle-là, il préfère mourir ébloui de gloire que de se traîner lugubrement cinquante ans de plus.

LA GENTILLESSE, LA POLITESSE, LA « DIGNITÉ »

Chaque homme sait, au fond de lui, qu’il n’est qu’un tas de merde sans intérêt. Submergé par la sensation de sa bestialité et par la honte qu’elle lui inspire, il ne cherche pas à s’exprimer mais au contraire à camoufler les limites de son être purement physique et son parfait égocentrisme. À cause de son système nerveux grossièrement constitué et bouleversé à la moindre marque d’émotion ou de sentiment, le mâle se protège à l’aide d’un code « social » parfaitement insipide d’où est absente toute trace de sentiments ou d’opinions gênantes. Il utilise des termes comme « copuler », « commerce sexuel », « avoir des rapports » (pour les hommes, parler de rapports sexuels est un pléonasme), et il en parle avec des allures guindées de chimpanzé en habit à queue.

L’ARGENT, LE MARIAGE ET LA PROSTITUTION, LE TRAVAIL CONTRE L’AUTOMATION

Rien, humainement, ne justifie l’argent, ni le travail pour quiconque au-delà de deux ou trois heures par semaine au grand maximum. Tous les travaux non créatifs (à peu près tous les travaux exercés à ce jour) auraient pu être automatisés depuis longtemps. Et dans un système sans argent, tout le monde aurait tout ce qu’il veut, et du meilleur. Les raisons qui maintiennent en place ce système basé sur l’argent et le travail n’ont rien d’humain, elles sont mâles :

— 1- Le con. Le mâle, qui méprise sa nature déficiente, est saisi d’une anxiété profonde et submergé par une immense solitude lorsqu’il se retrouve dans sa seule affligeante compagnie. Il s’accroche alors à n’importe quelle femme dans le vague espoir de remplir son vide intérieur, et se nourrissant de l’illusion mystique qu’à force de toucher de l’or il se transformera en or, il convoite en permanence la compagnie des femmes. Il préfère à sa propre compagnie, et à celle des autres hommes, celle de la femme la plus méprisable. Mais pour parvenir à ses fins, il est obligé d’employer la force ou la corruption, à moins de tomber sur des femmes très jeunes ou très atteintes.

— 2- L’homme, incapable d’entrer en relation avec les autres (voir plus haut), et contraint de se donner l’illusion de servir à quelque chose, s’active, pour justifier son existence, à creuser des trous et à les remplir. L’homme est horrifié à l’idée d’avoir du temps libre, pendant lequel il ne trouverait rien d’autre à faire que de contempler sa grotesque personne. Puisqu’il ne peut aimer ni établir de contacts, l’homme travaille. Les femmes, elles, rêvent d’activités intelligentes, absorbantes, à même de combler leur sensibilité, mais par manque d’occasion ou de compétence elles préfèrent folâtrer et perdre leur temps à leur guise : dormir, faire des emplettes, jouer au bowling, miser de l’argent, jouer aux cartes, procréer, lire, marcher, rêvasser, manger, se tripoter, s’envoyer des pilules derrière la cravate, aller au cinéma, se faire psychanalyser, biberonner, voyager, élever des chiens et des chats, se vautrer sur le sable, nager, regarder la télé, écouter de la musique, décorer la maison, jardiner, coudre, aller dans les boîtes, danser, visiter, s’« enrichir » (suivre des stages), se « cultiver » (conférences, théâtre, concerts, cinéma « d’art »). Ainsi beaucoup de femmes, même dans le cas d’une complète égalité économique, préfèrent vivre avec des hommes ou traîner leurs fesses dans la rue, c’est-à-dire disposer le plus possible de leur temps, plutôt que passer huit heures par jour à faire pour d’autres un travail ennuyeux, abrutissant et absolument pas créatif qui fait d’elles pis que des bêtes, des machines, à moins qu’un travail « intéressant » ne fasse d’elles, au mieux, les cogérantes de la merde ambiante. Ce qui pourra libérer les femmes de l’emprise masculine, ce sera donc la destruction totale du système fondé sur l’argent et le travail et non l’égalité économique à l’intérieur du système.

— 3- Le pouvoir. Ne pouvant dominer les femmes dans ses relations personnelles, l’homme recherche la domination en général en manipulant l’argent ainsi que toute chose et tout être régi par l’argent, c’est-à-dire en manipulant tout et tout le monde.

— 4- Trouver un substitut à l’amour. L’homme, inapte qu’il est à donner de l’amour ou de l’affection, donne de l’argent. Il se sent maternel. La mère donne le lait ; il donne le pain. Il est le Gagne-Pain.

— 5- Fournir un but à l’homme. Puisqu’il est incapable de profiter de l’instant présent, l’homme doit trouver un but à poursuivre et l’argent est la carotte après laquelle il peut courir éternellement : pensez un peu à tout ce qu’on peut faire avec quatre-vingts milliards de dollars : ah, investir ! Et dans trois ans ça vous fera trois cent mille millions de dollars, les gars !

— 6- Donner à l’homme sa plus belle occasion de manipuler les autres : la paternité.

LA PATERNITÉ ET LA MALADIE MENTALE (peur, lâcheté, timidité, humilité, insécurité, passivité)

Maman veut le bien de ses enfants, Papa ne veut que le bien de Papa, il veut qu’on lui fiche la paix, il veut que ses lubies de « dignité » soient respectées, il veut présenter bien (le statut) et il veut contrôler et manipuler à volonté ce qui s’appellera « guider » s’il est un père « moderne ». Ce qu’il veut aussi, c’est s’approprier sa fille sexuellement. Il donne la main de sa fille en mariage, le reste est pour lui.

Papa, au contraire de Maman, ne cède jamais à ses enfants car il doit à tout prix préserver l’image de l’homme décidé, fort, énergique, qui a toujours raison.

À force de ne jamais agir à sa façon, on se sent dépassé par ce monde et on accepte passivement le statu quo. Maman aime ses enfants. Elle se met quelquefois en colère, mais la crise passe vite et n’exclut jamais ni l’amour ni l’acceptation profonde. Papa, lui, est un débile affectif et il n’aime pas ses enfants ; il les approuve - s’ils sont « sages », gentils, « respectueux », obéissants, soumis, silencieux et non sujets à des sautes d’humeur qui pourraient bouleverser le système nerveux mâle et fragile de Papa - en d’autres termes, s’ils vivent à l’état végétal. S’ils ne sont pas « sages », Père ne se fâche pas - quand il est un père moderne et « civilisé » (la brute moralisatrice et gesticulante d’autrefois est bien préférable car suffisamment ridicule pour se déconsidérer d’elle-même) - non, il se contente de désapprouver, attitude qui, contrairement à la colère, persiste, et exprime un rejet fondamental : le résultat pour l’enfant, qui se sent dévalorisé et recherchera toute sa vie l’approbation des autres, c’est la peur de penser par lui-même, puisqu’une telle faculté conduit à des opinions et des modes de vie non conventionnels qui seront désapprouvés.

Si l’enfant veut gagner l’approbation paternelle, il doit respecter Papa, et Papa qui n’est qu’un tas de pourriture n’a pas d’autre moyen d’imposer le respect que de rester à bonne distance, suivant le précepte que « la familiarité engendre le mépris », ce qui est naturellement vrai lorsqu’on est méprisable. En se montrant distant, le Père reste inconnu, mystérieux, il inspire donc la peur (le « respect »).

Comme il réprouve les « scènes », les enfants en viennent à craindre toute émotion, à avoir peur de leur propre colère et de leur haine, finalement à redouter d’affronter la réalité puisque la réalité ne peut déclencher que colère et haine. Cette peur, alliée à un sentiment d’incapacité à changer ce monde qui vous dépasse, voire à influer un tant soit peu sur son destin, aboutit au sentiment facile que tout va très bien, que la moindre banalité vous comble et qu’on se fend la pêche pour un rien.

L’effet de la paternité sur les garçons, notamment, est d’en faire des « Hommes », c’est-à-dire de développer en eux un système de défenses farouches contre leur tendances à la passivité, à l’hystérie « grande-folle », et contre leur désir d’être des femmes. Tous les garçons veulent imiter leur mère, être elle, fusionner avec elle, mais Papa interdit de telles choses. C’est lui la mère. Lui, fusionne avec elle. Alors, plus ou moins directement il dit au petit garçon de ne pas faire la « mauviette » et de se conduire en « homme ». Le petit garçon qui chie dans son froc devant son père, autrement dit le « respecte », se soumet et devient un vrai petit Papa, ce modèle de Virilité, ce rêve américain : le lourd crétin qu’est l’hétérosexuel bon teint.

L’effet de la paternité sur les femmes est d’en faire des hommes-dépendantes, passives, domestiquées, animalastiquées, gentilles, inquiètes, avides de sécurité et d’approbation, trouillardes, humbles, « respectueuses » des autorités et des hommes, fermées, sans réaction, à demi mortes, futiles, ennuyeuses, conventionnelles, insipides et profondément méprisables. La Fille à son Papa, toujours contractée et apeurée, mal à l’aise, dénuée d’esprit analytique et d’objectivité, situe Papa, et par suite tous les hommes, dans un contexte de peur nommée « respect ». Elle ne voit pas que la lointaine silhouette paternelle n’est qu’un trompe-l’œil, elle accepte la définition de l’homme comme être supérieur en tant que femme, et accepte d’être considérée inférieure en tant que mâle, ce que, merci Papa, elle est effectivement.

C’est l’épanouissement de la Paternité, dû au développement et à la meilleure répartition des richesses (dont la Paternité a besoin pour prospérer), qui est la cause de l’ascension de la bêtise et du déclin des femmes aux États-Unis depuis les années vingt : voyez la montée de l’allaitement, de l’accouchement naturel, et de la pratique religieuse. L’association étroite entre richesse et Paternité a valu aux filles les plus mal choisies, c’est-à-dire les « petites bourgeoises » soi-disant privilégiées, d’avoir droit à l’« instruction ».
En résumé, le rôle du père a été d’apporter au monde la gangrène de l’esprit mâle. Les hommes sont des Midas d’un genre spécial : tout ce qu’ils touchent se change en merde.

ANIMALITÉ (domesticité et maternité) ET SUPPRESSION DE L’INDIVIDUALITÉ

L’homme est une suite de réflexes conditionnés, il est incapable de réagir librement, avec son esprit. Il est entièrement déterminé par le conditionnement subi pendant son enfance. Ses premières expériences ont été vécues avec sa mère et il est lié à elle pour la vie. Pour l’homme il n’est jamais très clair qu’il puisse être autre chose qu’une partie de sa mère, qu’il est lui et qu’elle est elle.
Son plus grand besoin est d’être guidé, abrité, protégé et admiré par sa Mamma (les hommes s’attendent à ce que les femmes adorent ce qui, eux, les pétrifie d’horreur : eux-mêmes). N’existant que par son corps, l’homme aspire à passer son temps (celui qu’il ne perd pas « dans le monde » à se défendre âprement contre sa passivité) dans une béatitude animale consistant à manger, dormir, chier, s’écrouler dans un fauteuil et se faire dorloter par la Mamma.
La Fille à son Papa, passive et abrutie, avide d’approbation et de petites tapes sur la joue, qui manifeste son respect au moindre tas d’immondices passant par là, se laisse facilement transformer en Mamma. Elle prête machinalement son corps, éponge le front simiesque plissé par l’effort, pousse au cul le petit ego défaillant, complimente la crapule. Elle n’est plus qu’une bouillotte avec des nichons. Réduites à l’état de bêtes, les femmes du secteur le plus arriéré de la société, les classes moyennes « privilégiées » et « instruites », déchet de l’humanité sur lequel Papa règne en maître, essaient de se défoncer en mettant bas, et dans la nation la plus avancée du monde, en plein xxe siècle, elles se ventrouillent avec des enfants pendus à leurs seins. Oh, ce n’est pas pour le bien des enfants que les « spécialistes » racontent aux femmes que la Mamma doit rester à la maison pour croupir comme une bête. C’est pour le bien de Papa, naturellement. C’est Papa qui a besoin de se cramponner à des nichons. C’est Papa qui se pique d’obstétrique et se défonce ainsi par procuration (ce mort-vivant a besoin de stimulants vigoureux).

La nécessité de faire de la femme une bête, une Mamma, un mâle, est autant psychologique que pratique. Le mâle n’est qu’un échantillon de l’espèce, interchangeable avec tous les autres mâles. Il n’a pas d’individualité profonde (ne sait pas différencier les êtres, ne connaît pas l’autosuffisance mentale, la complétude), car l’individualité ne peut naître que de ce qui éveille la curiosité, vous fait sortir de vous-même, ce avec quoi on entre en relation.

Complètement absorbés en eux-mêmes, ne sachant communiquer qu’avec leur propre corps et leurs sensations physiques, les hommes ne se différencient entre eux que par la façon dont ils se défendent contre leur passivité et leur désir d’être femme, et par le degré d’acharnement qu’ils y mettent.

L’individualité de la femme s’impose aux yeux de l’homme, mais il est incapable de la saisir, incapable d’entrer en relation avec elle ; elle le bouleverse, l’emplit d’effroi et d’envie. Aussi la nie-t-il et entreprend-il de définir chacun et chacune en termes de fonction et d’usage, s’assignant bien entendu, les fonctions les plus importantes - docteur, président, savant - ce qui l’aide à revêtir une identité sinon à atteindre à l’individualité, et il cherche à se convaincre comme à convaincre les femmes (il a mieux réussi de ce côté) que la fonction de la femme est de porter et d’élever les enfants, d’apaiser, de réconforter et de stimuler l’ego masculin ; que sa fonction fait d’elle un être interchangeable avec les autres femmes.

En fait, la fonction de la femme est d’explorer, découvrir, inventer, résoudre des problèmes, dire des joyeusetés, faire de la musique - le tout, avec amour. En d’autres termes de créer un monde magique. La fonction de l’homme est de produire du sperme. Nous avons maintenant des banques de sperme.

LE VOL DE L’INTIMITÉ

L’homme, qui a honte de ce qu’il est et d’à peu près tout ce qu’il fait, tient beaucoup à garder secrets tous les aspects de sa vie mais n’a aucun respect pour la vie privée des autres. Lui qui est vide, qui n’a pas de réalité propre, pas d’individualité, pas d’états d’âme jouissifs, a constamment besoin de la compagnie des femmes et ne voit absolument rien de mal à s’immiscer dans les pensées d’une inconnue, n’importe où n’importe quand ; et par-dessus le marché il s’indigne et se sent insulté lorsqu’il se fait rembarrer ; il en est tout désorienté : cela le dépasse complètement que quelqu’un puisse préférer une seule minute de solitude à la compagnie de n’importe quel taré. Comme il voudrait en être, il se démène pour être toujours dans les pattes des femmes, ce qui est le plus près qu’il puisse atteindre de son but, et s’ingénie à fabriquer une société fondée sur la famille - le couple et les enfants (qui sont la bonne excuse de la famille) - et tout ce monde est censé vivre les uns sur les autres en violant scrupuleusement les droits de la femme et son intimité, en détériorant sa santé mentale.

L’ISOLEMENT, LES PAVILLONS DE BANLIEUE ET L’IMPOSSIBILITÉ DE LA VIE COMMUNAUTAIRE

Notre société n’est pas une communauté, c’est un entassement de cellules familiales. Miné par son sentiment d’insécurité, l’homme est persuadé que sa femme va le quitter si elle s’expose aux autres hommes et à tout ce qui peut présenter une lointaine ressemblance avec la vie. Aussi cherche-t-il à l’isoler de ses rivaux et de cette faible agitation qu’on nomme civilisation, en l’emmenant en banlieue pour la caser dans une rangée de pavillons où s’enferment dans une contemplation mutuelle des couples et leurs enfants.
En devenant un « farouche individualiste », un grand solitaire, il croit pouvoir prétendre à l’individualité, qu’il confond avec la claustration et le manque de coopération.

Il y a encore une autre explication à cet isolement : chaque homme est une île. Enfermé en lui-même, sans aucun contact, sans émotion, incapable de communiquer, l’homme a horreur de la civilisation, des gens, des villes, de toute situation qui demande de comprendre les autres et d’entrer en relations avec eux. Papa détale comme un lièvre apeuré et traîne son cul à la recherche des contrées sauvages : les banlieues. Ou s’il est un « hippie », il part - alors là, qu’est-ce qu’il est parti, les gars ! - pour le pré à vaches où il peut baiser et procréer à son aise en s’ébattant au milieu de ses flûtes et de sa verroterie.
Le hippie, dont le désir d’être un « Homme » et un « farouche individualiste » est moins forcené que chez la plupart des hommes - parce qu’il se défend moins contre sa passivité ; qui, par ailleurs, est follement excité à l’idée d’avoir tout un tas de femmes à sa disposition, se révolte contre le rôle éreintant de Gagne-pain et la monotonie de la monogamie. Au nom de la coopération et du partage, il forme une communauté ou tribu qui, en dépit de tous ses principes de solidarité et en partie à cause d’eux (ladite communauté, qui est une extension de la famille, ne fait donc que bafouer un peu plus les droits des femmes, violer leur intimité et détériorer leur santé mentale), ne ressemble pas plus à une communauté que le reste de la société.

Une véritable communauté se compose d’individus - pas de simples échantillons de l’espèce, pas de couples - qui se respectent les uns les autres dans leur individualité et leur intimité, établissent entre eux des contacts intellectuels et affectifs - en esprits libres ayant des relations libres - et coopèrent à l’achèvement de buts communs. Pour les traditionalistes, l’unité de base de la société est la famille ; pour les « hippies », c’est la tribu. Pour aucun d’eux, ce n’est l’individu.

Le hippie babille beaucoup sur l’individu, mais comme les autres hommes, il n’a aucune idée de ce que c’est. Il voudrait retourner à la Nature, à la vie sauvage, retrouver l’antre des animaux à fourrure dont il fait partie, loin de la ville, où au moins on repère quelques traces, un vague début de civilisation, pour vivre au niveau primaire de l’espèce et s’occuper à de simples travaux, non intellectuels : élever des cochons, baiser, enfiler des perles.

L’activité la plus importante de la vie communautaire, celle sur laquelle elle se fonde, c’est le baisage à la chaîne. Ce qui allèche le plus le hippie, dans l’idée de vivre en communauté, c’est tout le con qu’il va y trouver. Du con en libre circulation : le bien collectif par excellence ; il suffit de demander. Mais, aveuglé par le désir, il ne pense pas à tous les hommes avec lesquels il devra partager, ni à la jalousie et à la possessivité des mignons cons eux-mêmes.
Les hommes ne peuvent pas coopérer à la réalisation d’un but commun, car le seul but de chaque homme est d’avoir tout le con pour lui. La communauté est donc vouée à l’échec : chaque hippie, pris de panique, va empoigner la première jobarde qui en pince pour lui et filer avec elle dans un pavillon de banlieue. L’homme ne peut progresser socialement, il ne peut qu’aller et venir entre l’isolement et la partie de cul associée.

LE CONFORMISME

Tout en désirant être un individu, l’homme a peur de ce qui pourrait le différencier un tant soit peu des autres. Il craint de n’être pas vraiment un « Homme », d’être passif et déterminé par la sexualité, tous soupçons qui le bouleversent. Si les autres hommes sont « A » et qu’il ne l’est pas, alors il ne doit pas être un homme. Il doit être une pédale, selon ses termes. Alors il essaye d’affirmer sa Virilité en ressemblant aux autres hommes. Mais toute différence constatée chez les autres le menace aussi bien : ce sont eux les « pédales » qu’il doit éviter à tout prix et il fait tout pour les obliger à rentrer dans le rang.

L’homme ose se montrer différent dans la mesure où il accepte sa passivité et son désir d’être une femme, sa réalité de pédale. L’homme le plus conséquent avec lui-même est le travesti mais là encore, bien qu’il soit différent des autres hommes, il ressemble exactement à tous les autres travestis. Fonctionnaliste, il ne cherche que l’identité formelle : être une femme. Il se débarrasse de ses problèmes en leur collant des étiquettes, mais toujours pas trace d’individualité. N’arrivant pas à se convaincre tout à fait qu’il est une femme, angoissé à l’idée de n’être pas assez femelle, il se conforme désespérément au stéréotype féminin inventé par les hommes, et devient une marionnette bourrée de tics.

Pour s’assurer qu’il est un « Homme », le mâle doit veiller à ce que la femelle se comporte bien en « Femme », le contraire de l’homme viril, autrement dit qu’elle se comporte en grande-folle. Et la Fille à son Papa, dont on a massacré tous les instincts de femme dés l’enfance, s’adapte au rôle avec aisance et obligeance.

L’AUTORITÉ ET LE GOUVERNEMENT

L’homme, qui n’a aucun sens du bien et du mal, aucune conscience morale (elle ne peut naître qu’avec la faculté de se mettre à la place des autres), qui ne croit pas en lui-même (pour la bonne raison qu’il n’a pas de réalité), compétitif par nécessité et inapte à la vie communautaire par nature, a besoin de direction et de contrôle. Pour cette raison il a mis en place diverses autorités - les prêtres, les spécialistes, les patrons, les chefs, etc. - et institué le Gouvernement. Comme il désire que la femme soit son guide (la Mamma) mais qu’il est incapable d’accepter cette idée (après tout il est un Homme), comme il veut jouer à la femme, usurper sa fonction de Guide et de Protectrice, il s’arrange pour que toutes les autorités soient masculines. Il n’y a aucune raison pour qu’une société composée d’individus rationnels et capables de se comprendre les uns les autres, complets en eux-mêmes et n’étant pas enclins naturellement à entrer en compétition les uns avec les autres, ait besoin d’un gouvernement, de lois ou de chefs.

LA PHILOSOPHIE, LA RELIGION ET LA MORALE BASÉES SUR LE SEXE

Vu son incompétence pour entrer en relation avec qui ou quoi que ce soit, l’homme dont la vie est dépourvue de sens (le dernier mot de la pensée mâle est que le monde est absurde) a dû inventer la philosophie et la religion. Ne trouvant en lui que vide, l’homme doit se tourner vers l’extérieur, non seulement pour trouver une direction et un contrôle, mais aussi le salut et un sens à sa vie. Le bonheur étant pour lui impossible sur cette terre, il a inventé le Ciel.

Comme nous savons, l’homme est incapable de comprendre les autres et ne vit que par sa sexualité, aussi pour lui le « mal » est la « licence » sexuelle, qui conduit aux pratiques sexuelles « déviantes » (non viriles), c’est-à-dire aux pratiques qui ne le défendent pas contre sa passivité et sa sexualité omniprésente, lesquelles risqueraient, s’il les laissait s’exprimer, de détruire la « civilisation » puisque la « civilisation » repose exclusivement sur le besoin de l’homme de se défendre contre ces caractéristiques masculines. Pour une femme (d’après les hommes), le mal est tout comportement pouvant entraîner les hommes à la « licence » sexuelle, c’est-à-dire lorsqu’elle ne place pas les besoins de l’homme au-dessus des siens et refuse de jouer les tantouses.
Quant à la Religion, elle procure un but à l’homme (le Ciel), elle renforce par son code « moral » l’assujettissement des femmes aux hommes, et de plus fournit à l’homme des rituels lui permettant d’exorciser la honte et la culpabilité qu’il éprouve de ne pas se défendre assez contre ses pulsions sexuelles : finalement la honte et la culpabilité qu’il éprouve d’être un homme.
La plupart des hommes, dans leur immense lâcheté, projettent les faiblesses qui leur sont inhérentes sur les femmes, les désignent comme faiblesses typiquement féminines et s’attribuent la véritable force féminine. La plupart des philosophes, un peu moins lâches, reconnaissent à l’homme certaines lacunes, mais n’arrivent toujours pas à admettre que ces lacunes n’existent que chez les hommes. Ainsi ils étiquettent la condition masculine : Condition Humaine, posent leur problème du néant, qui les horrifie, comme un dilemme philosophique, affublant ainsi leur animalité de grandeur, baptisent pompeusement leur néant « Problème d’Identité » et pérorent avec grandiloquence sur la « Crise de l’Individu », l’« Essence de l’Être », l’« Existence précédant l’Essence », les « Modes Existentiels de l’Être », etc.
Les femmes, elles, prennent pour acquises leur identité et leur individualité, elles savent instinctivement que le seul mal est de nuire aux autres et que le sens de la vie est l’amour.

LES PRÉJUGÉS (raciaux, ethniques, religieux, etc.)

L’homme a besoin de boucs émissaires sur lesquels il peut projeter ses lacunes et ses imperfections et sur lesquels il peut défouler sa frustration de n’être pas une femme. Les multiples discriminations ont d’ailleurs un avantage pratique : elles accroissent substantiellement la masse de cons disponible pour les hommes qui campent au sommet de la pyramide.

LA COMPÉTITION, LE PRESTIGE, LE STATUT, L’ÉDUCATION, L’IGNORANCE, LES CLASSES SOCIALES ET ÉCONOMIQUES

Obsédé par le désir d’être admiré par les femmes mais n’ayant aucune valeur intrinsèque, l’homme fabrique une société complètement artificielle qui lui attribue un semblant de valeur à travers l’argent, le prestige, la « supériorité » de classe, les diplômes, la profession et le savoir, tout en reléguant au bas de l’échelle sociale, professionnelle, économique et culturelle, le plus grand nombre d’hommes possible.

Le but de l’enseignement « supérieur » n’est pas d’instruire mais d’exclure le plus grand nombre possible de gens de certaines professions.

L’homme, qui n’est qu’un corps, inapte aux rapports intellectuels, est sans doute capable d’utiliser à ses fins la connaissance et les idées, mais pas d’entrer en relation avec elles, de les saisir sur le plan émotionnel. Il n’attribue pas de valeur à la connaissance et aux idées pour elles-mêmes (elles ne sont que les moyens de servir ses buts) et n’éprouve donc pas le besoin de communiquer avec d’autres esprits ni de cultiver les possibilités intellectuelles des autres. Bien au contraire, il investit tout dans l’ignorance. Cela donne aux rares hommes instruits une supériorité décisive sur ceux qui ne le sont pas et, de plus, le mâle sait qu’une population féminine éclairée et consciente signifierait sa perte.

La femme saine, la femme suffisante, recherche la compagnie d’égaux qu’elle peut respecter et avec lesquels elle peut prendre son pied. Mais l’homme et la femme-mec (atrophiée, manquant d’assurance et souffrant d’un sentiment d’insécurité) n’aspirent, eux, qu’à la compagnie de larves rampantes qu’ils pourront facilement regarder de haut.

Aucune véritable révolution sociale ne peut être réalisée par les hommes, car ceux qui sont en haut de l’échelle veulent y rester et ceux qui sont en bas n’ont qu’une idée, c’est d’être en haut. La « révolte », chez les hommes, n’est qu’une farce. Nous sommes dans une société masculine, faite par l’homme pour satisfaire ses besoins. S’il n’est jamais satisfait, c’est qu’il lui est impossible de l’être. En fin de compte, ce qui révolte « l’homme révolté », c’est d’être un homme. L’homme ne change que lorsqu’il y est obligé par le progrès technique, quand il n’a pas le choix, quand la société arrive au point où il doit changer ou mourir. Nous en sommes là. Si les femmes ne se remuent pas le cul en vitesse, nous risquons de crever tous.

L’IMPOSSIBILITÉ DE LA CONVERSATION

Etant donné la nature totalement égocentrique de l’homme et son incapacité à communiquer avec autre chose que lui-même, sa conversation, lorsqu’elle ne porte pas sur sa personne, se réduit à un bourdonnement impersonnel, détaché de tout ce qui peut avoir valeur humaine. La « conversation intellectuelle » du mâle, lorsqu’elle n’est pas une simple fuite de lui-même, n’est qu’une tentative laborieuse et grotesque d’impressionner les femmes.

La Fille à son Papa, passive, malléable, qui respecte et craint le mâle, se laisse volontiers assommer par son bavardage débile. Cela ne lui est pas trop difficile car elle est tellement crispée, anxieuse, mal à l’aise, peu sûre d’elle (grâce à Papa qui a semé l’incertitude dans tous ses sentiments et sensations), que sa perception en est obscurcie et qu’elle est incapable de voir que le bavardage masculin n’est que du bavardage. Comme l’esthète qui « apprécie » la crotte baptisée « Grand Art », elle s’imagine faire ses choux gras de la conversation masculine alors qu’elle en chie d’ennui. Et non seulement elle le laisse postillonner à sa guise, mais en plus elle s’adapte au style de la « conversation ». Entraînée comme elle l’est depuis l’enfance à la gentillesse, la politesse et la « dignité », à entrer dans le jeu des hommes lorsqu’ils cherchent à camoufler leur réalité bestiale, elle leur fait la fleur de réduire sa conversation à des propos mielleux et insipides, évitant tout sujet profond ou bien, s’il s’agit d’une fille « cultivée », elle a une discussion « intellectuelle », c’est-à-dire qu’elle discourt de façon impersonnelle sur des abstractions oiseuses telles que le Produit National Brut, le Sionisme, l’influence de Rimbaud sur la peinture symboliste. Elle est si bien versée dans l’art de lécher le cul des hommes que cela devient bientôt une seconde nature et qu’elle continue à jouer leur jeu même lorsqu’elle se trouve seulement avec des femmes.

En dehors de son côté lèche-cul, la conversation de la Fille à son Papa est encore limitée par sa crainte d’exprimer des opinions déviantes ou originales et par son sentiment d’insécurité qui l’emprisonne. Ce qui lui enlève tout charme. La gentillesse, la politesse, la « dignité », le sentiment d’insécurité et la claustration mentale ont peu de chance de s’allier à l’intensité et à l’humour, qualités dont ne peut se passer une conversation digne de ce nom. Et la conversation digne de ce nom ne court pas les rues, étant donné que seules les femmes tout à fait sûres d’elles, arrogantes, exubérantes, et fortiches, sont capables d’avoir une conversation intense et spirituelle de vraies salopes.

L’IMPOSSIBILITÉ DE L’AMITIÉ (DE L’AMOUR)

Les hommes se méprisent eux-mêmes, méprisent tous les autres hommes qu’ils ont l’occasion d’approcher d’un peu près - et qu’ils ne prennent ni pour des femmes (comme les analystes « sympa » et les « Grands Artistes ») ni pour des agents de Dieu - et ils méprisent toutes les femmes qui leur lèchent le cul. Les femmes-mec, les lèche-cul en mal d’approbation et de sécurité se méprisent elles-mêmes ainsi que toutes les femmes qui leur ressemblent. Les femmes sûres d’elles, celles qui n’ont pas froid aux yeux, qui aiment que ça bouge, les femmes-femmes, méprisent les hommes et les femmes-mec lèche-cul. Pour tout dire, le mépris est à l’ordre du jour.

L’amour n’est ni la dépendance ni la sexualité, c’est l’amitié. L’amour ne peut donc exister entre deux hommes, entre un homme et une femme ou entre deux femmes si l’un des deux, ou les deux, est un mec ou un lèche-cul à mec sans esprit et timoré. De même que la conversation, l’amour ne peut exister qu’entre deux femmes-femmes libres rouleuses, sûres d’elles, indépendantes et à l’aise, puisque l’amitié est basée sur le respect et non sur le mépris.

Même chez les femmes à la coule, les amitiés profondes sont rares à l’âge adulte car elles sont presque toutes ligotées à un homme afin de survivre économiquement, ou bien elles essayent de se tailler un chemin dans la jungle et de se maintenir à la surface des masses amorphes. L’amour ne peut s’épanouir dans une société basée sur l’argent et sur un travail dépourvu de sens. Il exige une totale liberté économique et individuelle, des loisirs et la possibilité de s’engager intensément dans des activités absorbantes, à même de combler la sensibilité, et pouvant conduire à l’amitié profonde lorsqu’on les partage avec ceux que l’on respecte. Notre société n’offre aucune activité de ce genre.

Après avoir éliminé de ce monde la conversation, l’amitié et l’amour, voici les substituts dérisoires que nous propose l’homme :

LE « GRAND ART » ET LA « CULTURE »

L’artiste mâle essaye de compenser son incapacité à vivre et son impuissance à être une femme en fabriquant un monde complètement factice dans lequel il fait figure de héros, c’est-à-dire s’affuble des caractéristiques féminines, et où la femme est réduite à des rôles subsidiaires insipides, c’est-à-dire fait figure d’homme.

L’« Art » masculin ayant pour but, non de communiquer (un être entièrement vide n’a rien à dire), mais de déguiser la réalité bestiale de l’homme, il a recours au symbolisme et à l’obscurité (au « profond »). La grande majorité des gens, en particulier les personnes « cultivées », n’osant pas juger par elles-mêmes, humbles, respectueuses des autorités (« Mon Papa, y sait » devient dans le langage adulte « les critiques ils s’y connaissent », « les écrivains, ils savent mieux », et « les agrégés, ça en connaît un bout »), se laissent facilement persuader que ce qui est obscur, vague, incompréhensible, indirect, ambigu et ennuyeux, est à coup sûr profond et brillant.

Le « Grand Art » se veut « preuve » de la supériorité des hommes sur les femmes, preuve que les hommes sont des femmes, non seulement par son contenu, mais aussi par le simple fait de se baptiser « Grand Art », puisque comme aiment à nous le rappeler les antiféministes, il est presque entièrement l’œuvre des hommes. Nous savons que le « Grand Art » est grand parce que les hommes, des « spécialistes », nous l’ont dit, et nous ne pouvons pas dire le contraire vu que seules des sensibilités exquises bien supérieures à la nôtre sont à même de percevoir et d’apprécier ce qui est grand, la preuve de leur sensibilité supérieure étant qu’ils apprécient les saloperies qu’ils apprécient.

« Apprécier », c’est tout ce que sait faire l’homme « cultivé ». Passif, nul, dépourvu d’imagination et d’humour, il faut bien qu’il se débrouille avec ça. Incapable de se créer ses propres distractions, de se créer un monde à lui, d’agir d’une façon ou d’une autre sur son environnement, il doit se contenter de ce qu’on lui offre. Il ne sait pas créer, il ne sait pas communiquer : il est spectateur. En se gobergeant de culture, il cherche désespérément à prendre son pied dans un monde qui n’a rien de jouissif ; il cherche à fuir l’horreur d’une existence stérile d’où l’esprit est absent. La « culture » c’est le baba du pauvre, le croûton spirituel des tarés, une façon de justifier le spectateur dans son rôle passif. Elle permet aux hommes de se glorifier de leur faculté d’apprécier « les belles choses », de voir un bijou à la place d’une crotte. Ce qu’ils veulent, c’est qu’on admire leur admiration. Ne se croyant pas capables de changer quoi que ce soit, résignés qu’ils sont au statu quo, ils sont obligés de s’extasier sur des crottes vu qu’il n’y a que des crottes à l’horizon de leur courte vue.

La vénération pour l’« Art » et la « Culture » distrait les femmes d’activités plus importantes et plus satisfaisantes, les empêche de développer activement leurs dons, et parasite notre sensibilité de pompeuses dissertations sur la beauté profonde de telle ou telle crotte. Permettre à l’« Artiste » d’affirmer comme supérieurs ses sentiments, ses perceptions, ses jugements et sa vision du monde, renforce le sentiment d’insécurité des femmes et les empêche de croire à la validité de leurs propres sentiments, perceptions, jugements et vision du monde.

Le concept même d’« Artiste », défini par des traits féminins, le mâle l’a inventé pour « prouver » qu’il est une femme (« Tous les Grands Artistes sont des hommes ») ; il met en avant l’« Artiste » comme un guide qui va nous expliquer à quoi ressemble la vie. Mais l’« Artiste » masculin n’émerge pas du moule mâle : son éventail de sentiments est très limité ; il n’a donc pas grand chose en fait de perceptions, jugements et vision du monde, puisque tout cela dépend des sentiments. Incapable d’entrer en contact avec autre chose que ses propres sensations physiques, il n’a rien à dire, sinon que pour lui la vie est absurde, et ne peut donc être un artiste. Comment quelqu’un qui ne sait pas vivre pourrait-il nous dire à quoi ressemble la vie ? L’« artiste » au masculin, c’est une contradiction dans les termes. Un dégénéré ne peut que produire de l’« art » dégénéré. L’artiste véritable, c’est toute femme saine et sûre d’elle, et dans une société féminine, le seul Art, la seule Culture, ce sera des femmes déchaînées, contentes les unes des autres, et qui prennent leur pied entre elles et avec tout l’univers.

LA SEXUALITÉ

Le sexe ne permet aucune relation. C’est au contraire une expérience solitaire, elle n’est pas créatrice, c’est une perte de temps. Une femme peut facilement, bien plus facilement qu’elle ne pourrait le penser, se débarrasser de ses pulsions sexuelles et devenir suffisamment cérébrale et décontractée pour se tourner vers des formes de relation et des activités vraiment valables. Mais le mâle libidineux met en chaleur la femelle lascive. Les hommes, qui ont l’air d’en pincer sexuellement pour les femmes et qui passent leur temps à vouloir les exciter, jettent les femmes portées sur la chose dans des transes lubriques et les fourrent dans un piège à con dont peu de femmes arrivent jamais à se sortir.

Le sexe est le refuge des pauvres d’esprit. Et plus une femme est pauvre d’esprit, - plus elle est embourbée dans la « culture » masculine - plus elle est charmante et plus elle est portée sur le sexe. Dans notre société, les femmes charmantes ont le feu au cul. Mais comme elles sont atrocement charmantes, elles ne s’abaissent pas à baiser, tu parles, elles font l’amour, elles communiquent avec leur corps, elles établissent un contact sensuel. Les plus littéraires valsent au rythme d’Éros et s’enfilent l’Univers entier ; les mystiques se fondent dans le Principe érotique et fusionnent avec le Cosmos, et celles qui marchent à l’acide Vibrent. Les femmes qui sont les moins compromises dans la culture mâle, celles qui ne sont pas charmantes, ces esprits simples et grossiers pour qui baiser n’est que baiser, trop infantiles pour ce monde adulte de grands ensembles, d’intérêts à 14%, de casseroles et de merde de bébé, trop arrogantes pour respecter Papa, les « Grands » ou la profonde sagesse des Anciens, qui ne font confiance qu’à leurs instincts les plus bas, pour qui la seule Culture, c’est le déchaînement des femmes, dont le seul divertissement est de rôder à la recherche d’émotions et d’événements excitants, qui « font des scènes » et offrent le spectacle répugnant, vil, gênant, de salopes acharnées contre ceux qui leur agacent les dents, qui n’hésiteraient pas à planter un couteau dans le ventre d’un type ou à lui enfoncer un pic à glace dans le cul au premier coup d’œil si elles pensaient pouvoir s’en tirer, bref celles qui, selon les critères de notre « culture », sont la lie de la terre, les SCUM [1] sont des filles à l’aise, plutôt cérébrales et tout près d’être asexuées. Débarrassées des convenances, de la gentillesse, de la discrétion, de l’opinion publique, de la « morale », du « respect » des trous-du-cul, toujours surchauffées, pétant le feu, sales et abjectes, les SCUM déferlent… elles ont tout vu - tout le machin, baise et compagnie, suce-bite et suce-con - elles ont été à voile et à vapeur, elles ont fait tous les ports et se sont fait tous les porcs… Il faut avoir pas mal baisé pour devenir anti-baise, et les SCUM sont passées par tout ça, maintenant elles veulent du nouveau ; elles veulent sortir de la fange, bouger, décoller, sombrer dans les hauteurs. Mais l’heure de SCUM n’est pas encore arrivée. La société nous confine encore dans ses égouts. Mais si rien ne change et si la Bombe ne tombe pas sur tout ça, notre société crèvera d’elle-même.

L’ENNUI

La vie, dans une société créée par et pour des créatures à la sensibilité plus que limitée, donc profondément ennuyeuses, lorsqu’elles ne sont pas sinistres et déprimantes, ne peut être que profondément ennuyeuse, lorsqu’elle n’est pas sinistre et déprimante.

LE SECRET, LA CENSURE, L’ÉLIMINATION DE LA CONNAISSANCE ET DES IDÉES, LA CHASSE AUX SORCIÈRES

Enfouie au fond de l’homme, gît la peur hideuse et secrète que l’on découvre qu’il n’est pas une femme, qu’il est un mâle, un être moins qu’humain. Bien que la gentillesse, la politesse et la « dignité » suffisent à le protéger sur le plan personnel, l’homme doit, pour éviter qu’on ne découvre l’imposture générale du sexe masculin, et maintenir ses pouvoirs artificiels sur la société, avoir recours aux procédés suivants :

— 1- La censure. L’homme qui réagit par réflexe à des mots ou à des phrases isolés au lieu de réagir avec son cerveau à des significations globales, essaye d’empêcher l’éveil et la découverte de sa bestialité en censurant non seulement la « pornographie », mais aussi tout ouvrage contenant des mots « sales », quel qu’en soit le contexte.

— 2- L’élimination de toute idée et connaissance risquant de le démasquer ou de menacer sa position dominante dans la société, une vaste documentation biologique et psychologique est mise hors de circulation, car elle révélerait la flagrante infériorité de l’homme par rapport à la femme. De plus, le problème de la maladie mentale ne sera jamais résolu tant que l’homme gardera les rênes du pouvoir pour la bonne raison qu’il y trouve son intérêt : seules des femmes auxquelles il manque pas mal de cases peuvent laisser aux hommes la moindre parcelle de pouvoir, et pour résoudre ce problème il faudrait que l’homme admette le rôle que joue le Père dans l’origine des folies.

— 3- La chasse aux sorcières. Ce qui met l’homme en joie - dans la mesure où cette créature sinistre et constipée est capable d’éprouver de la joie - c’est de dénoncer les autres. Peu importe ce qu’il dénonce, du moment qu’il dénonce et détourne l’attention de sa propre personne. Dénoncer les autres comme agents de l’ennemi (Communistes et Socialistes) est l’un de ses passe-temps favoris : cela lui permet de se disculper, lui, la patrie et l’Occident tout entier. Ce n’est pas dans son cul que grouille la vermine, c’est en Russie.

LA MÉFIANCE

Dans son incapacité à se mettre à la place des autres, à éprouver de l’affection ou à se dévouer, ne sachant s’extérioriser que pour contempler ses tripes, l’homme, évidemment, ne joue jamais franc-jeu. Lâche comme il l’est, ayant constamment besoin de faire la pute avec les femmes pour gagner leur approbation sans laquelle il n’est rien, toujours sur le qui-vive dans la terreur que sa réalité mâle et animale ne soit étalée au grand jour, ayant constamment besoin de se protéger, l’homme doit mentir en permanence. Dans son néant il ne peut avoir ni honneur ni intégrité - il ne sait pas ce que ces mots signifient. L’homme, en bref, est traître et dans une société mâle le seul comportement valable est le cynisme et la méfiance.

LA LAIDEUR

Grâce à sa sexualité envahissante, son indigence mentale et esthétique, son matérialisme et sa gloutonnerie, l’homme, non content de nous avoir infligé son « Grand Art », a cru devoir affubler ses villes sans paysage de constructions hideuses (dehors comme dedans) et de décors non moins moches, d’affiches, d’autoroutes, de bagnoles, de camions pleins de merde, et tout particulièrement de sa nauséabonde personne.

LA HAINE ET LA VIOLENCE

L’homme est rongé sans relâche par l’amertume de n’être pas femme et d’être incapable d’éprouver jamais aucun plaisir ni aucune satisfaction. Il est ravagé de haine, non de cette haine rationnelle que l’on renvoie à ceux qui vous insultent ou abusent de vous, mais d’une haine irrationnelle qui frappe sans discernement, haine, au fond, dirigée contre lui-même.

La violence gratuite « prouve » qu’il est un « Homme », tout en servant d’exutoire à sa haine ; et puisque l’homme n’a de réactions que sexuelles et qu’il faut des stimulants vraiment puissants pour exciter ce mort-vivant, elle lui procure, sexuellement, un petit frisson.

LA MALADIE ET LA MORT

Toutes les maladies sont guérissables, et le vieillissement et la mort sont dus à la maladie. Il est donc possible de ne jamais vieillir et de vivre éternellement. En fait, les problèmes de la vieillesse et de la mort pourraient être résolus d’ici quelques années si la science y mettait le paquet. Cette éventualité n’aura cependant pas lieu dans un monde régi par les hommes pour les raisons suivantes :

— 1- De nombreux chercheurs potentiels sont découragés des carrières scientifiques à cause de la rigidité, de l’ennui, de la cherté, des pertes de temps et de la sélection sociale qui caractérisent notre enseignement « supérieur ».

— 2- Les chercheurs en place, dans leur insécurité mâle, protègent jalousement leur poste, et veulent nous faire croire que seule une petite élite est à même d’apprécier les concepts scientifiques abstraits.

— 3- Beaucoup de gens doués, dont la confiance en soi a été minée par l’éducation du Père, renoncent à devenir des savants.

— 4- Le système de l’argent conduit à ces postes les gens les moins créatifs. La plupart des scientifiques sont issus de familles plutôt aisées, où Papa règne en maître.

— 5- L’automation est insuffisante. Nous disposons actuellement de tonnes d’informations qui, utilisées à bon escient, pourraient permettre de guérir le cancer ainsi que d’autres maladies et peut-être nous apporter la clé de la vie. Mais les données à utiliser sont si nombreuses qu’il nous faudrait des ordinateurs ultra-rapides pour les relier. L institution de l’ordinateur sera continuellement retardée dans un système régi par les hommes car ceux-ci ont horreur d’être remplacés par des machines.

— 6- L’homme a une préférence marquée pour les objectifs « virils », la guerre et la mort.

— 7- La finance a un insatiable besoin de nouveaux produits. Les rares savants dont les recherches ne visent pas la destruction et la mort sont ligotés par les intérêts des corporations pour lesquelles ils travaillent : leurs inventions et leurs expériences ne concernent que des marchandises.

— 8- De nombreux savants mâles s’écartent prudemment de la recherche biologique dans leur terreur de découvrir que les hommes sont des femmes plus qu’incomplètes.

***

L’homme, qui est incapable de connaître un bonheur positif, seule justification à l’existence, peut atteindre tout au mieux un état neutre de confort physique qui n’est pas appelé à durer car l’ennui, état négatif, fait rapidement son apparition. Il est donc condamné à une vie de souffrance, soulagée seulement par un assoupissement occasionnel et fugace qu’il ne pourra connaître qu’aux dépens d’une femme. L’homme est par nature une sangsue, un parasite affectif, et aucune raison éthique ne justifie de le laisser vivre et prospérer car personne n’a le droit de vivre aux dépens de quelqu’un d’autre. De même que la vie des humains prime celle des animaux pour la seule raison qu’ils sont plus évolués et doués d’une conscience supérieure, de même la vie des femmes doit primer celle des hommes.

Cependant, cet épilogue moral pourrait bien être purement académique car l’homme travaille à sa propre destruction. En dehors des procédés classiques de la guerre et des émeutes raciales, honorés par l’Histoire, les hommes versent de plus en plus dans la tantouzerie ou se consument dans la drogue. Les femmes, qu’elles le veuillent ou non, prendront bientôt le monde en main, ne serait-ce que parce qu’elles ne pourront faire autrement : les hommes, pour des raisons pratiques, auront disparu du globe. Cette tendance autodestructrice est renforcée par le fait que les hommes commencent à avoir une vision plus éclairée de leurs intérêts. Ils se rendent de mieux en mieux compte que l’intérêt des femmes est leur intérêt, qu’ils ne peuvent vivre que par les femmes, et que plus les femmes seront encouragées à vivre, à se réaliser, à être des femmes et non des hommes, plus ils approcheront eux-mêmes de ce qui ressemble à la vie. Ils entrevoient déjà qu’il est plus facile et plus satisfaisant de vivre à travers elles que d’essayer de devenir elles - usurper leurs qualités et repousser les femmes dans la fosse à purin en déclarant que ce sont des hommes. Le pédé, qui accepte sa nature de mâle, c’est-à-dire sa passivité et sa sexualité envahissante, sa féminité, a également intérêt à ce que les femmes se révèlent véritablement femmes car alors il lui serait plus facile d’être mâle, d’être féminin. Si les hommes étaient raisonnables, ils chercheraient à se changer carrément en femmes, mèneraient des recherches biologiques intensives qui permettraient, au moyen d’opérations sur le cerveau et le système nerveux, de transformer les hommes en femmes, corps et esprit.
La question de savoir s’il faudra continuer à utiliser les femmes pour la reproduction ou si celle-ci se fera en laboratoire est encore un faux problème : que se passera-t-il quand chaque femme, dès l’âge de douze ans, prendra régulièrement la Pilule, et avortera en cas d’accident ? Combien de femmes accepteront-elles délibérément d’être enceintes (ou, en cas d’accident, de le rester) ? Non, Virginia [2], les femmes n’adorent pas couver des ribambelles d’enfants, malgré ce qu’en disent les braves épouses hébétées. Quand toutes les femmes seront conscientes, la réponse sera : aucune. Devrait-on alors obliger un petit nombre de femmes à faire office de lapines pour les besoins de l’espèce ? C’est hors de question, évidemment. La réponse, c’est les laboratoires de reproduction.

Pour ce qui est de reproduire le genre masculin, il ne s’ensuit pas, sous prétexte que les hommes, comme la maladie, ont toujours existé, qu’ils devraient continuer à exister. Quand le contrôle génétique sera possible - et il le sera bientôt - il est évident que nous ne devrons produire que des êtres complets, sans défauts physiques ni déficiences générales telles que la masculinité. De même que la production délibérée d’aveugles serait parfaitement immorale, de même en serait-il pour la production délibérée d’êtres tarés sur le plan affectif.

Et pourquoi reproduire des femmes ? Pourquoi des générations futures ? À quoi serviront-elles ? Quand la vieillesse et la mort seront éliminées, pourquoi se reproduire ? Et même si elles ne sont pas éliminées, pourquoi se reproduire ? Qu’est-ce que cela peut bien nous faire ce qui arrivera quand nous serons morts ? Qu’est-ce que cela peut bien nous faire qu’il y ait ou non une nouvelle génération pour nous succéder ?

Le cours naturel des événements, de l’évolution sociale, aboutira au contrôle total des femmes sur le monde. Il s’ensuit qu’elles cesseront de reproduire des hommes et pour finir elles cesseront de reproduire des femmes.

Mais SCUM est impatiente. SCUM ne se laisse pas consoler par la perspective des générations futures. SCUM veut prendre son pied tout de suite. Et si une grande majorité de femmes étaient SCUM, elles parviendraient en quelques semaines aux commandes du pays en refusant de travailler, c’est-à-dire en paralysant la nation entière. Elles pourraient y ajouter d’autres mesures, dont chacune serait suffisante pour bouleverser l’économie et le reste, comme de rompre avec le système de l’argent, dévaliser les magasins au lieu d’acheter, et refuser d’obéir aux lois chaque fois que ça leur chante. La Police, la Garde Nationale et l’Armée réunies ne pourraient réprimer la rébellion de plus de la moitié de la population, surtout s’il s’agit des femmes, sans lesquelles ils se retrouveraient complètement désemparés. Si toutes les femmes laissaient tomber les hommes, tout simplement, le gouvernement et l’économie nationale s’effondreraient. Même sans les laisser tomber, les femmes, une fois conscientes de l’étendue de leur supériorité et de leur pouvoir sur les hommes, pourraient devenir maîtresses de tout en quelques semaines et parvenir à l’assujettissement total des hommes. Dans une société saine, l’homme trottinerait docilement derrière la femme. L’homme est un être obéissant, il se plie facilement au joug de toute femme qui veut bien essayer de le dominer. Les hommes, en fait, désirent désespérément se soumettre aux femmes, être sous la conduite de leur Mamma et s’abandonner à ses soins. Mais cette société n’est pas saine et la plupart des femmes n’ont pas la plus faible idée de ce qu’est le véritable rapport des forces.

Le conflit ne se situe donc pas entre les hommes et les femmes, mais entre les SCUM - les femmes dominatrices, à l’aise, sûres d’elles, méchantes, violentes, égoïstes, indépendantes, fières, aventureuses, sans gêne, arrogantes, qui se considèrent aptes à gouverner l’univers, qui ont bourlingué jusqu’aux limites de cette société et sont prêtes à se déchaîner bien au-delà, et les Filles à son Papa, gentilles, passives, consentantes, « cultivées », subjuguées, dépendantes, apeurées, ternes, angoissées, avides d’approbation, déconcertées par l’inconnu, qui préfèrent croupir dans le purin (là au moins le paysage est familier), s’accrocher aux singes, sentir Papa derrière et se reposer sur ses gros biceps, qui ont besoin de voir une grosse face poilue à la Maison Blanche, trop lâches pour regarder en face l’hideuse réalité de l’homme, de Papa, qui ont établi leurs quartiers une fois pour toutes dans l’auge à cochons, se sont adaptées à l’animalité qu’on attend d’elles, y trouvent un confort superficiel et ne connaissent pas d’autre mode de vie, ont rabaissé leur esprit, leurs pensées et leurs perceptions au niveau du mâle ; qui, dépourvues de jugement, d’imagination et d’humour, ne peuvent gagner la considération que dans une société masculine, qui ne peuvent se faire une place au soleil, ou plutôt dans le fumier, que comme pondeuses et repos du guerrier, compresses d’ego et tétines roboratives ; qui sont négligées par les autres femmes, qui projettent leurs tares, leur masculinité, sur toutes les femmes et considèrent les femmes comme des vers de terre.

Mais SCUM est trop impatiente pour espérer et attendre la prise de conscience de millions de trous-du-cul. Pourquoi les trépidantes, les scories bouillonnantes continueraient-elles à se traîner misérablement au milieu de toutes ces sinistres mec-femmes ? Pourquoi le destin des grisantes devrait-il croiser celui des grisâtres ? Pourquoi les actives et les imaginatives devraient-elles tenir compte des passives et des médiocres ? Pourquoi les indépendantes devraient-elles patauger dans la morve avec les crampons à Papa ? Il n’y a aucune raison.

En baisant le système à tout bout de champ, en détruisant la propriété de façon sélective et en assassinant, une poignée de SCUM peut prendre le contrôle du pays en l’espace d’un an.

SCUM sera la grande force bousi-baisante, la force du dé-travail. Les SCUM choisiront toutes sortes de professions et dé-travailleront. Par exemple, les vendeuses et les standardistes SCUM ne feront pas payer. Les employées de bureau et les ouvrières SCUM, tout en sabotant le travail, détruiront secrètement le matériel. Les filles SCUM dé-travailleront systématiquement jusqu’à ce qu’elles se fassent renvoyer, puis chercheront un nouvel emploi à bousiller.

SCUM prendra d’assaut les autobus, les taxis et les services de distribution de tickets, conduira les autobus et les taxis et donnera gratuitement les tickets.
SCUM détruira tous les objets inutiles et nocifs tels que les voitures, les vitrines, le « Grand Art », etc.

Ensuite SCUM s’emparera des antennes de la radio et de la télévision, et s’empressera de soulager de leur besogne tous les employés qui s’opposeraient à l’entrée de SCUM dans les studios.

SCUM exterminera tous les hommes qui ne feront pas partie de l’Auxiliaire Masculin de SCUM. Font partie de l’Auxiliaire Masculin les hommes qui s’emploient méthodiquement à leur propre élimination, les hommes qui pratiquent le bien, quels que soient leurs motifs, et entrent dans le jeu de SCUM. Exemples de ce qu’on peut trouver dans l’Auxiliaire Masculin de SCUM :
— les hommes qui en tuent d’autres
— les chercheurs en biologie qui travaillent à des recherches constructives (au lieu de préparer la guerre biologique)
— les écrivains, les rédacteurs en chef les éditeurs et les producteurs qui répandent et favorisent les idées susceptibles de servir les buts de SCUM
— les travelos qui par leur exemple magnifique encouragent les autres hommes à se démasculiniser et à se rendre ainsi relativement inoffensifs
— les hommes qui prodiguent généreusement l’argent et tous services gratuits
— les hommes qui disent ce qui est (jusqu’à présent il n’y en a pas eu un seul) et ont une attitude juste avec les femmes, qui révèlent la vérité sur eux-mêmes, donnent aux écervelées des phrases correctes à répéter et leur disent que le but premier d’une femme devrait être d’écraser le sexe masculin (pour aider les hommes dans cette tâche, SCUM organisera des Sessions Merdiques au cours desquelles chaque homme présent fera un discours commençant par la phrase : « Je suis une merde, une merde minable et abjecte », à la suite de quoi il fera une longue liste des différents aspects de sa merdicité. En récompense, il pourra fraterniser une heure entière avec les membres de SCUM à la fin de la session. On invitera aux sessions les femmes gentilles et proprettes afin d’éclaircir avec elles tous les doutes et malentendus qui subsistent à propos du sexe masculin)
— les fabricants de bouquins pornos, de films suédois, etc., qui nous rapprochent du jour où on ne verra plus sur l’écran que Baise et Sucerie (les hommes, comme les rats accourant aux sons de la flûte enchantée, seront menés à leur perdition par les charmes trompeurs de La Chatte, et dépassés, submergés, ils sombreront finalement dans la chair passive qu’ils ont toujours été) ;
— ceux qui incitent à la drogue et précipitent la déchéance masculine.

Faire le bien est une condition nécessaire mais non suffisante pour faire partie de l’Auxiliaire Masculin de SCUM. 

Pour sauver leurs mornes culs, les hommes doivent aussi éviter de faire le mal.

Parmi les hommes les plus odieux ou les plus nuisibles, on compte :
— ceux qui violent ;
— les politiciens et toute leur clique ;
— les chanteurs, compositeurs et, musiciens gnangnan ;
— les P.D.G. ;
— les Chefs de famille et honnêtes travailleurs ;
— les proprios ;
— les possesseurs de cuillers graisseuses, de restaurants et de boutiques à musique d’ambiance ;
— les « Grands Artistes » ;
— les joueurs qui jouent petit ;
— les flics qui alpaguent, les procureurs qui accusent et les juges qui collent des années à tous ceux qui violent les lois antidrogue et antijeu, aux prostituées, aux fauteurs de pornographie et à ceux qui commettent des crimes contre les entreprises ;
— les magnats ;
— les savants dont les recherches visent la mort ou la destruction ou qui travaillent pour l’industrie privée ;
— les menteurs et les bidons ;
— les agents immobiliers ;
— les agents de change ;
 les hommes qui parlent pour ne rien dire ;
— les pollueurs de voie publique ;
— les plagiaires ;
— les hommes qui font un tant soit peu de mal aux femmes ;
— tous les requins de la publicité ;
— les psychiatres et les psy ;
— les hommes qui s’imaginent avoir droit à la compagnie des inconnues qu’ils rencontrent ;
— les censeurs publics et privés ;
— toute l’armée, y compris les appelés.

Si un homme peut être classé à la fois dans les catégories bien et mal, l’ensemble de sa conduite sera examiné de façon toute subjective pour déterminer de quel côté penche la balance.

Il est assez tentant de mettre dans le même sac que les hommes, les « Grands Artistes » et les faux jetons de sexe féminin, mais ce serait gênant car la plupart des gens ne comprendraient pas clairement que les femmes liquidées sont des mecs.

Laisser tout tomber et vivre en marge n’est plus la solution. Baiser le système, oui. La plupart des femmes vivent déjà en marge, elles n’ont jamais été intégrées. Vivre en marge, c’est laisser le champ libre à ceux qui restent ; c’est exactement ce que veulent les dirigeants ; c’est faire le jeu de l’ennemi ; c’est renforcer le système au lieu de le saper car il mise sur l’inaction, la passivité, l’apathie et le retrait de la masse des femmes. C’est, en revanche, une excellente solution pour les hommes et SCUM les y encouragera vivement.
Chercher le salut en soi, contempler son nombril, comme voudraient nous le faire croire les partisans du Grand Lâchage, n’est pas la solution. Le bonheur réside en dehors de soi, dans les relations avec les autres. Notre but devrait être le débordement et non l’auto-contemplation. L’homme, qui n’est capable que de cette dernière éventualité, fait d’un vice fondamental une vertu et l’élève au rang du Bien Philosophique, ce qui le fait passer pour profond.

SCUM n’a rien à faire de banderoles, de défilés ou de grèves pour réaliser ses desseins. De telles tactiques sont bonnes pour les dames comme il faut, qui choisissent soigneusement les moyens les plus sûrs d’être inefficaces. D’ailleurs, seules des femmes-mec du genre convenable, élevées pour se fondre dans l’espèce, peuvent rechercher les mouvements de foule. SCUM se constitue d’individus. SCUM n’est pas un gros tas. Les actions de SCUM ne seront menées que par le nombre strictement nécessaire. De plus, SCUM, qui est égoïste et garde la tête froide, n’ira pas se jeter sous les matraques des flics ; c’est bon pour les fifilles bien élevées qui tiennent en haute estime Papa et les policiers et manifestent une foi touchante en leur bonté intrinsèque. Si SCUM défile un jour, ce sera sur la face stupide et répugnante du Président. Et en fait de piquets de grève, ce seront de longs couteaux que SCUM plantera dans la nuit.

Les agissements de SCUM seront criminels. Il ne s’agira pas de simple désobéissance civile, de violer ouvertement la loi pour aller en prison et attirer l’attention sur l’injustice. Cette tactique suppose l’acceptation globale du système et n’est utilisée que pour le modifier légèrement, pour changer certaines lois précises. SCUM se dresse contre le système tout entier, contre l’idée même de lois et de gouvernement. Ce que SCUM veut, c’est démolir le système et non obtenir certains droits à l’intérieur du système. D’ailleurs, SCUM - qui garde la tête froide, qui est avant tout égoïste - évitera toujours de se faire prendre et de se faire condamner. SCUM agira par en dessous, furtivement et sournoisement (mais les meurtres de SCUM seront toujours connus en tant que tels).

Meurtres et destructions seront réalisés avec discernement, de façon sélective. SCUM est contre ces soulèvements confus et hystériques, sans objectif précis, qui sont souvent fatals à ceux de votre propre camp. SCUM n’encouragera jamais les émeutes ni aucune de ces formes de destruction aveugle, et elle n’y participera pas. SCUM traquera sa proie froidement, dans l’ombre, et tuera avec le plus grand calme. Ses entreprises de destruction n’auront jamais pour conséquence de bloquer les routes nécessaires au transport de nourriture ou autres produits vitaux, de contaminer l’eau ou d’en empêcher l’accès, de gêner la circulation des ambulances ou d’entraver le bon fonctionnement des hôpitaux.

SCUM continuera à détruire, piller, saboter et tuer jusqu’à ce que le système basé sur l’argent et le travail se soit effondré et que l’automation soit instituée à tous les niveaux, ou jusqu’à ce qu’un nombre suffisant de femmes alliées à SCUM permette d’atteindre ces buts sans recourir à la violence, en laissant tomber le travail ou en le sabotant, en quittant les hommes et en refusant d’obéir à toute loi inappropriée à une société véritablement civilisée. Beaucoup de femmes se rangeront à ces vues, mais beaucoup d’autres (qui se sont depuis longtemps rendues à l’ennemi, qui se sont si bien adaptées à l’animalité, la mâlitude, qu’elles ont pris goût à la répression et aux contraintes et qu’elles ne sauraient plus que faire de leur liberté), continueront à jouer les lèche-cul et les paillassons, tout comme les paysans des rizières restent les paysans des rizières tandis que les régimes se succèdent. Les plus étourdies pleurnicheront et bouderont, jetteront leurs jouets et leurs torchons par terre, mais SCUM passera, imperturbable, le rouleau compresseur.

Il est facile de parvenir rapidement à une société entièrement automatisée, à partir du moment où la demande est générale. Les plans existent déjà, et si des millions de gens y travaillent, la construction ne prendra que quelques semaines. Malgré la suppression de l’argent, tout le monde sera ravi de mettre la main à la pâte et de participer à la construction d’une société automatisée. Cela marquera le début d’une ère nouvelle et fantastique, et son édification se fera dans une atmosphère de fête.

La suppression de l’argent et l’automation généralisée sont la base de toutes les autres réformes de SCUM qui seraient impossibles sans elles, mais qui pourront être réalisées sans tarder à partir de ces préliminaires. Le gouvernement s’effondrera automatiquement. Grâce à l’automation généralisée, il sera possible à tout le monde de voter directement depuis chez soi en se servant d’une machine à vote électronique. Mais comme le gouvernement ne s’occupe pratiquement que d’organiser les finances et d’édicter des lois visant à faire ingérence dans la vie privée, la suppression de l’argent, et avec elle l’élimination des mâles qui réglementent la « morale », ne laisseront plus guère de raisons de voter.

Une fois la finance foutue en l’air, il ne sera plus nécessaire de tuer les hommes. Ils seront démunis du seul pouvoir qu’ils peuvent avoir sur des femmes psychologiquement indépendantes. Ils ne pourront plus s’imposer qu’aux paillassons, qui adorent ça. Les autres femmes s’activeront à résoudre les quelques problèmes restants, avant de mettre au programme l’éternité et l’Utopie. L’enseignement sera tout autre chose et des millions de gens pourront en quelques mois parvenir à un niveau intellectuel qui exige actuellement des années d’études (il est très facile de réaliser ce but à partir du moment où l’objectif de l’enseignement est d’instruire et non de perpétuer une élite académique et intellectuelle). Elles résoudront les problèmes de la maladie, de la vieillesse et de la mort et réinventeront complètement les villes et l’habitat. Beaucoup de femmes continueront à s’imaginer pendant un certain temps qu’elles en pincent pour les hommes, mais au fur et à mesure qu’elles s’habitueront à une société féminine et qu’elles seront accaparées par leurs projets, la lumière se fera en elles et elles verront clairement à quel point l’homme est inutile et banal.

Les quelques hommes qui resteront sur la planète auront tout le loisir de traîner leurs vieux jours chétifs. Ils pourront se défoncer ou frimer en travelo ou regarder agir les puissantes femmes en spectateurs passifs, essayant de vivre par procuration (un procédé électronique leur permettra de se brancher sur la femme de leur choix et de suivre en détail ses moindres mouvements. Les femmes y consentiront avec obligeance car cela ne leur fera pas le moindre mal et sera une façon particulièrement humaine et généreuse de venir en aide à leurs malheureux compagnons handicapés), ou bien ils procréeront dans les pâturages avec leurs paillassons, ou encore ils pourront se présenter au centre de suicide le plus proche, amical et accueillant, où ils seront passés au gaz en douceur, rapidement et sans douleur.

Avant que l’automation ne soit généralement instaurée, avant que les hommes ne soient remplacés par des machines, il faudra qu’ils se rendent utiles. Ils devront attendre les ordres des femmes, obéir à leurs moindres caprices, répondre à toutes leurs exigences, leur être totalement soumis et n’exister que par leur volonté, au lieu de cette situation complètement dégénérée et pervertie où les hommes non seulement existent et encombrent le monde de leur ignominieuse présence, mais en plus se font lécher le cul par la masse des femmes qui se prosternent devant eux, millions de femmes adorant le veau d’or. Et nous voyons le chien tirer son maître par la laisse alors que la seule position acceptable pour l’homme, celle où il est le moins misérable, sauf lorsqu’il choisit d’être travesti, est d’être couché aux pieds de la femme, reconnu dans sa chiennerie : cela n’exige pas de lui ce dont il est émotionnellement incapable ; les femmes, êtres complets, s’occupent du reste.
Les hommes irrationnels, les malades, ceux qui essaient de nier leur sous-humanité, en voyant les SCUM arriver sur eux comme une lame de fond, hurleront de terreur et s’agripperont aux Gros Lolos tremblotants de Grosse Mamma, mais les lolos ne les protégeront plus contre SCUM et Grosse Mamma s’accrochera à Gros Père qui sera recroquevillé dans un coin et chiera dans son slip dynam. Les hommes rationnels, eux, ne se débattront pas, ils ne lanceront pas de ruades, ne provoqueront pas de brouhaha pénible, ils resteront sagement assis, détendus, ils profiteront du spectacle et se laisseront dériver jusqu’à leur destin fatal.


[1Scum, en anglais (prononcer « scome »), veut dire : rebut, lie, écume, scorie, etc. (N.D.T.).

[2Virginia est presque une institution aux États-Unis. C’est une petite fille qui, en 1897 (elle est morte à l’âge de 81 ans) est devenue célèbre pour avoir envoyé cette lettre à un grand quotidien, le New York Sun :
« ... Mes amis me disent que le Père Noël existe. Papa me dit que si on le voit dans le Sun c’est que c’est vrai. Alors, y a-t-il un Père Noël ? »
Voici ce que le New York Sun a répondu : « Oui, Virginia, le Père Noël existe, il existe aussi sûrement que l’amour, la générosité et la dévotion, et vous savez que ces qualités abondent et donnent à notre vie toute sa beauté et toute sa joie. Hélas, comme serait triste un monde sans Père Noël. Il serait aussi triste que s’il n’y avait pas de Virginia. » (N.D.T.).