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Irma | De très grands vents
Terreurs, fascinations & terreurs
lundi 11 septembre 2017
C’est évidemment inimaginable. Ici, quand le Mistral souffle à plus de soixante-dix kilomètres, on peine à rester dehors ; et la nuit, on entend les arbres plier, presque à se rompre. On dit que le vent soufflait là-bas à plus de deux-cent cinquante kilomètres - et les rafales, bien davantage.
D’où vient que depuis trois jours, je regarde ces vidéos de vent ? Mauvaises vidéos prises au vol, quelques secondes arrachées, en passant : on entend le type parfois, et surtout le vent. Le vent, c’est surtout le bruit : inimaginable le bruit de ce vent-là.
Dans ces images, il y a la terreur évidemment : il y a les plus vieilles terreurs depuis toujours : quand le vent se lève, c’est évidemment pour disperser les hommes à cause d’une faute inconnue, d’une colère rare. On est lié aux premiers hommes par le vent, par la terreur. Il y a aussi – pourquoi le taire –, la fascination : la puissance de quelque chose contre lequel on ne peut rien. C’est ce qu’au siècle passé on appelait le sublime : ce qui dépasse toute mesure et face à quoi on est rien, ou simple poussière.
Il y a les mots de Saint-John Perse, qui pour dire le vent ne fait que le nommer : et sa force – c’étaient de très grands vents, sur toutes faces du monde – ; comment dire autrement le vent qu’en disant le vent : c’est comme la pluie quand elle est féroce : aucun nom, aucune image ne peut la dire, si ce n’est son nom.
Quand le vent a passé, il laisse les cadavres et les ruines, et le monde à l’état de poussière : et la sauvagerie après le répit – les pillages, les vols, la loi à l’état de poussière.
Reste dans ces images – la maladresse de chacune, la précision de tous – cette violence impossible et inimaginable : et dans cette tempête la plus violente du siècle qui commence, l’impression d’une simple promesse et qu’on sera amené à en voir d’autres, de plus puissantes peut-être – et de plus proches ?