arnaud maïsetti | carnets

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(le vent des cygnes rouges)

vendredi 6 janvier 2012


Le vent tombait sur moi comme de la nuit ;
De lueurs en lueurs, je croyais si fort aux cris des cygnes rouges là-bas

J’ai avancé, pas à pas, vers l’écho du chant
Lancé en moi comme une douleur d’avant qui me disait c’est là-bas

Le vent, tombé maintenant en moi, brûlait ;
Dans le creux du corps, ne demeurait que le désir de rejoindre là-bas

Les longs cygnes rouges qui dessinaient sur l’eau
Les spirales d’étoile que le soir, oh, le soir jetait plus loin là-bas

Le vent se lève comme je marche encore
Et approche de si près ce cygne rouge qui dort, là-bas

J’ai avancé la main pour mieux voir
Dans le reflet des eaux mon propre miroir qui regardait, là-bas

Les formes que cela faisait, sur la peau,
Les lettres noires qu’on écrivait, les mots qu’on s’échangeait là-bas

Sur le seuil d’une vie qui commençait
Je regardais tout cela, enfant qui sait, peut-être, les pays là-bas

Où le soleil se couche quand il veut
Et où les ombres s’allongent selon le vœu des gens de là-bas

Les cygnes rouges dans le vent d’hiver
Crient maintenant et lancent vers moi, immobile là-bas

Des mots inconnus que je saurai apprendre
Parce qu’ils nomment tout, désirent tendre vers ces espaces là-bas

Tu disais lève la tête, respire
Je disais la soif, et je buvais comme on désire s’étendre là-bas

J’aurais allongé mon corps
Contre le froid, et rêver d’être mort longtemps mais seulement là-bas

Ici je suis comme sur le pont
Aux confluences des signes selon que l’on ignore les lois là-bas

Les toiles d’araignées tendues d’une rive l’autre
Enjambent les fleuves de lait, de boue, et les nôtres là-bas

Sont plus beaux encore que tout
Ce qui existent partout, je le sais, ici plus que là-bas

Car les cheveux qui tombent
Sont les seuls souvenirs des tombes gravées de lettres mortes qui désignent là-bas

Les regrets, les remords, les chemins insensés
Et pour cela refusés, quand il faut choisir l’évidence là-bas

Qui mord et bat comme une porte
Comme une vague lentement échouée me porte jusqu’au large, là-bas

Alors, les cygnes rouges comme des draps
Chantent, et chantent encore mais tout bas, qu’on les rejoigne là-bas

Pose sur eux la main qui viendra les écrire
Lentement si lentement que le désir viendra seul de là-bas

Remonter du ventre jusqu’au cou les cris
De l’araignée et les silences infinis d’écrits qui appelleront là-bas

Au fond des corps partagés
Les villes inhabitées de soi, là-bas

Alors et alors seulement le vent levé sur moi
Le vent dispersera tout de la pluie, de ses larmes coulées là-bas

Dispersera le ciel, bleu comme du verre
Pendu par les pieds, le ciel blessé vers midi coulé jusque là-bas

Où je serai pour le voir, vide, immense, étale
Comme du sommeil pâle comme un cygne naissant là-bas

Dans le cri que l’on prend pour sa mort
Et qui n’est pourtant qu’une manière encore de naître là-bas

Dans le vent levé qui portera le nom
De son nom dressé, non pour désigner là-bas

Les ailleurs impossibles et fatals
Mais ici, maintenant les désirs aux chemins de dalles d’or et de poussières entraînant là-bas

La marche que le vent m’emporte