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La ville écrite | Babylone
Soudain,
mardi 19 décembre 2023
Soudain Babylone tombe, elle est brisée !
Gémissez sur elle, prenez du baume pour sa plaie :
Peut-être guérira-t-elle.
Jérémie 51:8
Souviens-toi. La ville inventée en même temps et d’un même geste que l’écriture et que les dieux — parce que les dieux, l’écriture et la ville sont une seule même chose qu’on rassemble d’un geste quand on voudrait s’établir sous les étoiles, qu’on a trouvé un fleuve, qu’on est épuisé de suivre les troupeaux où bon leur semble —, ce serait elle : la ville dressée d’un seul tenant et qui nommerait toutes les villes après elle, et le monde entier voué à devenir une ville, tenace et terrible.
La ville qu’on détesterait pour cela, sur quoi on jetterait des sorts, des armées, des livres entiers pour la maudire et qu’à force de malédiction elle finirait bien par tomber de toute sa hauteur de ville arrimée au ciel autant qu’à la terre entre les deux fleuves : c’est bien elle.
La ville où se fabriquent les mots liés les uns autres par les signes pour mieux compter les bêtes, les étoiles et le vin, et le contraire des bêtes et des étoiles, du vin : les histoires qui raconteraient l’origine des bêtes et des étoiles noyées dans le vin. Quant aux dieux, il fallait bien les inventer eux aussi pour que la ville s’impose aussi comme une façon de sacrifier à plus grand qu’elle, et de dépasser le temps d’une existence — d’être un dieu à sa façon, et le plus adorable d’entre eux, le plus cruel, parce que le plus tangible, de pierre et de boue, de sang. La ville. Oui, c’est bien elle.
Mais tu ne te souviens de rien et tu pleures.
Assieds-toi en silence, et va dans les ténèbres,
Babylone, Fille des Chaldéens
On ne t’appellera plus la souveraine des royaumes.
Ésaïe 47:5