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La ville écrite | La lutte conte

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vendredi 15 décembre 2023


À quoi tient l’histoire de la lutte par elle-même ? Un simple effacement, ou le repli du langage dans l’oubli, l’anfractuosité d’un mur, la pluie arrachant au passage la surface exposée des choses ? Il aurait fallu entendre ce que la lutte avait à raconter d’elle-même et de ses luttes : comment l’histoire se déploie dans sa voix même. On peut imaginer. Elle commencerait par dire l’horizon qui poudroie, et le ciel qui rougeoie, elle tâcherait de ne jamais s’arrêter sans quoi cesserait avec l’histoire la lutte elle-même et on le comprend : si le moteur de l’histoire est la lutte, c’est aussi parce que seule la lutte est capable de la raconter et d’entraîner à elle le paysage autour à changer.

La lutte conte (sur nous ?) : à moins qu’on ait mal lu, ou trop vite. Qu’entre le récit et la lutte, entre soi et la nuit, il n’y a que du malentendu et des lettres arrachées par le temps.

La lutte contre l’oubli se fait aussi en dépit des malentendus, autant dire à la faveur de la méprise : et la grande page blanche qu’est cette ville s’est dérobée pour laisser voir la grande béance de ce contre quoi les luttes ici-bas se mènent. La lutte contre : la liste serait trop fastidieuse, autant laisser l’espace tout entier en guise de points de suspension à compléter.

Mais peut-être fallait-il prendre au pied de la lettre la proposition. La lutte contre : tout ce qui suit ce mot — le mur de cet immeuble et la rue, l’arrondissement et la ville, et tout ce qui entre cette ville et les autres se tient et s’affronte, gouffres amers compris et ciel et mer et tout ce que le vent n’emporte pas assez.