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En délivrance du sens

À partir d’expériences insensées

mercredi 1er avril 2015


Article paru dans Théâtre / Public n°216 : « Scènes contemporaines, comment pense le théâtre »), dirigé par Christophe Triau et Christophe Bident, en avril 2015.


Et tant que le sens est posé comme originaire et prédicable, il importe peu de savoir si c’est un sens divin oublié par l’homme ou bien un sens aliéné en Dieu.

Gilles Deleuze, Logique du sens

« Donnez-moi le sens de tout cela ! » — cri lancé, en désespoir de cause, par un spectateur à l’issue d’une représentation de Passim par le Théâtre du Radeau, l’automne dernier, à Gennevilliers [1]. Ce cri de rage, édifiant, pourrait désarmer, il exige pourtant aussi, surtout, qu’on lui réponde. Édifiant, le don du sens réclamé à cor et à cri par ceux qui attendent aujourd’hui du théâtre qu’il délivre du sens, qu’il rassure des secousses du temps, des brisures de l’époque et de nos consciences en livrant le sens plein et intègre capable de restaurer une plénitude, de panser les plaies par l’illusion de la pensée, et qu’en cela résiderait un critère de qualité, voire de validité de l’œuvre : un sens originaire, singulier et totalisant — un sens qui aurait été enfermé, ou comme un dieu caché, dérobé, et charge au théâtre d’en briser les chaînes et de le révéler ? Cette revendication du sens comme dû à l’issue du spectacle possède toutes les formes d’un contrat fondé sur la rétribution commerciale : en échange de mon temps, donnez-moi le sens. En échange de mon argent, délivrez-moi du sens. En échange de ma présence, révélez-moi un sens. Alors quand le contrat se brise : sentiment vague de l’escroquerie, plainte au service après-vente qui ne répond pas. Reste l’aveuglement : ce contrat n’est signé que par une seule des parties.

C’est que ce contrat possède, dans ces angles morts, sa logique, autant économique que morale, presque une métaphysique – celle de l’origine perdue et de l’immédiat exigé –, et sa syntaxe, l’injonction plaintive : l’expérience esthétique néolibérale du consommateur s’inscrit dans une histoire, où le sens est (un) produit et le spectacle, l’espace et le temps de sa lisibilité. Où, dans le sens surtout se confondent la signification et l’explication, et se superposent le temps du spectacle avec celui de sa vérité. Ce spectateur – consommateur de sens comme il le serait d’images –, notre contemporain, est aussi contemporain d’un monde, et il en est pour lui du théâtre comme d’un discours, d’une politique comme d’une décision de justice, d’une phrase dans les romans d’aujourd’hui comme de la rentrée littéraire, des séquences médiatiques ou d’un résultat sportif : l’immédiateté demandée au nom du sens pauvrement accompli. Puis vite passer à autre chose [2]. On exigerait ainsi du sens qu’il se réalise pleinement au moment où on pense assister à son développement – et quand il échappe, quand le temps ne coïncide pas, mais soudain résiste, tend, ou s’arrête, se cristallise ou s’élabore en devenir, quand le temps médiatique ne permet plus de comprendre le sens de ce qui se joue dans le temps latent que produisent certaines formes d’art parmi les plus vives, s’effondre la pensée elle-même de notre temps, qui réclame, et immédiatement, affolé, crie.

La sommation du sens

Ce cri, on aurait tort d’en souligner seulement la vanité, ou la vacuité. Parce qu’il révèle malgré lui l’opération en cours de réduction de l’art, ainsi qu’un processus de récupération des forces à l’œuvre sur scène afin de les réduire, de les annuler, cette sommation du sens [3] porte en elle surtout les symptômes d’une expérience de dévoiement qui partout se lit, et partout trouve lieu de justifier une politique, enfin qui dans tous les domaines cherche à contredire les espaces les plus fertiles du théâtre, précisément parce qu’il lui revient d’arracher ce cri comme un masque.

C’est pourquoi, par revers, attaquer cette sommation dans ses fondements et ses implications relève d’une offensive – politique – qui importe : l’écriture d’une contre-histoire. Dans ce cri réside davantage qu’un vaste malentendu sur la portée ou le fonctionnement des spectacles de notre temps, là où la pensée agit, ceux-là mêmes que la morale néolibérale accuse d’être le lieu du rapt d’un sens perdu. Là où le théâtre pense, et fait penser, c’est à l’endroit où il retourne le sens sur ce qui le fonde : quand il nous permet de mettre à nu les automatismes des pensées stériles, ou organise la reconquête de ces territoires du monde qui ne sont régis ni par la logique de rétribution marchande (le dû qui neutralise le sens en cherchant en tout l’équivalence jusqu’à l’annulation des forces), ni par le contrat moral établi dans ce temps de balancier du spectateur face au spectacle, entre l’attente et la délivrance, entre la passivité silencieuse et la révélation quasi mystique. Ce cri, s’il faut le retourner contre lui-même, permet ainsi de mesurer combien le théâtre peut encore être l’expérience décisive d’un rapport au sens où c’est le sens lui-même qui se trouve être l’enjeu de la pensée, comme celui de la communauté, de son partage et de ses lignes de fracture. En cela n’aura-t-il pas été inutile. Dans ce cri se révèle en effet, chimiquement, toute une idéologie portant non pas seulement sur le sens, ni sur le théâtre, mais sur l’usage même du temps, son expérience, de la vie en somme. Et c’est là qu’il s’agit de l’attaquer, non en récusant le sens absolument, mais en montrant qu’il est l’enjeu d’une réappropriation : celle de la possibilité d’un sens qui ne soit ni originaire ni totalisant, mais produit en nous par le spectacle, et dans les énergies duquel fraient la scansion d’une appartenance à notre temps et la faculté de réinventer les termes de l’échange.

Les forces en présence : Kronos vs Aiôn

S’il faut revenir au procès-verbal de Passim, puisqu’il est l’objet de l’instruction du sens, sans doute faudrait-il commencer par revenir à l’épaisseur sensible de ses sens : spectacle sensible dans la mesure où se défait l’ancienne logique du sens — celle de la signification où, à travers telle fable, la direction de l’intrigue serait sa fin : la représentation y serait absorbée, ou accomplie, dans une une explication rationnelle du monde qu’elle proposerait, par la magie d’une métonymie secrète… Passim propose au contraire une réinvention quasi permanente et en chacun de ses points du temps. La scène fait ici se lever des paroles successives et des corps transitoires : dramaturgie d’un passage où le sens n’est ni signification ni direction, mais succession qui renouvelle l’énergie du temps ; espace de jeu où l’acteur ne joue pas le rôle qu’il interprète, mais prête son corps et sa voix au temps qui soudain passe en lui : fantômes de Kleist, Marlowe, Shakespeare, Le Tasse… – le temps qui revient n’est pas rejoué, mais convoqué comme présent : et le théâtre n’y est plus l’espace et le temps d’un retour du passé, mais le surgissement d’un présent à même la surface du temps éprouvé par le spectateur. À chacun des endroits du théâtre, un contournement, une négation qui se renverse. Dès lors, quelque chose s’est brisé, il est vrai. Ce qui est sorti de ses gonds, c’est le temps lui-même comme déroulé, Kronos. Au lieu de ce temps-là, un autre vient qui se dresse : un temps de l’instant pur, du devenir permanent de gestes accomplis comme pour se réaliser et s’effondrer en eux-mêmes : le temps de l’Aiôn [4], pour le dire avec Deleuze [5].

Espace-temps qui fabrique à chaque moment sa survenue, le Théâtre du Radeau pourrait ainsi obéir profondément à cette loi sans juridiction du présent traversé à chaque instant, ponction de temps qui vise à le produire, à se produire : temps d’un jeu idéal, « qui ne peut être réalisé que dans la pensée, et encore pensée comme non-sens [6] » : jeu qui « n’a pas d’autre résultat que l’œuvre d’art, qui est ce par ce quoi la pensée et l’art sont réels, et troublent la réalité, la moralité et l’économie du monde [7] ». Le Théâtre du Radeau n’est ainsi pas le lieu d’une convocation du passé pour sa restitution : les scènes qui se succèdent ne le sont pas pour faire signe – vers la mémoire, à moins de parier sur la reconnaissance de l’origine, que sans cesse pourtant la scène tend à brouiller –, et il n’y aurait en effet pas grand sens à chercher dans la signification de leurs enchaînements un sens englobant : un discours sur. Ce qui se joue s’efface à mesure, certaines paroles sont ainsi à peine audibles, la musique frotte sur l’entendement, et les images qui se constituent se brisent les unes sur les autres ; les cadres qui descendent des cintres organisent les passages qui sont autant de seuils où circulent les vitesses dans toutes les directions : les sens du spectacle s’éparpillent ici (le finale autour ou avec Vassili Grossman), se concentrent là (l’intervalle – plutôt que séquence – King Lear). Du non-sens qui se dégage partout se brise l’aliénation aux logiques sensées du réel et à leurs normes qui imposent l’horizon de sens hors duquel on juge invalide telle expérience. Non-sens ? Il faudrait justement ne pas s’arrêter sur la charge de négativité de ce mot. Plutôt y voir une opération de libération du sens organisé par ailleurs, qui ici implose, et fait imploser avec lui la moralité et l’économie du monde, celle où le sens est en amont ce qui organise le réel — ici le sens est, en aval, ce qui l’invente.

Des spectacles du Radeau, et singulièrement de celui-ci, on évoque souvent et largement le rêve, la portée onirique [8] de scènes immersives. On gagnerait cependant à se passer de la métaphore du rêve – qui est une autre manière de donner le sens, de prêter du sens, une certaine forme de sens –, et on verrait davantage la matérialité de cette scène, l’artisanat laborieux, et fécond, et joyeux qu’évoque Jean-Paul Manganaro dans le livret du spectacle [9] : cette fabrication du temps au moment où il se fait, et comme il se fait. Parfois ainsi le spectacle s’arrête pour laisser place au drame essentiel de la parole : ainsi de l’ouverture à l’arrêt sur le Penthésilée, et sa voix venue d’ailleurs – l’étrangeté manifeste d’un lyrisme rehaussé encore par la traduction de Julien Gracq –, se tient à l’instant où se crée la présence théâtrale, à l’exposition. Façon de rendre plus spectaculaire encore cette qualité de temps inouï dans lequel on entre. Le passé (de Kleist, Marlowe, Shakespeare ou du Tasse) revient dans la mesure où ses forces peuvent encore relever d’un présent porteur de cette question : qu’en faire ? (l’écho du « Wozu dichter in dürftiger zeit [10] »). À l’opposé de la vision romantique d’un tel théâtre (l’onirisme qui viendrait suppléer le manque qu’il propose : puisque le romantisme se constitue depuis le vide premier qu’il se donne comme état du monde), s’impose le travail d’une matérialité à l’œuvre : matérialisme critique d’un temps qui s’effectue de lui-même et par nous, construit et altéré, inventé, arraché au présent lui-même.

Clôture et forces : la mise à mort de l’œuvre

Ce temps et l’expérience du sens qu’il donne – puisque le sens devient en lui expérience – paraissent l’antidote fragile, mais précieux, provisoire et féroce de notre présent, sa moralité, son économie. Contre le temps délivré comme produit (de consommation – pour sa consommation), contre le sens livré pieds et poings liés au terme d’une soirée qui aurait donc exécuté le sens, comme une symphonie autant que comme un otage, contre l’œuvre close et achevée pour toujours, et déjà dans les répétition, avant le temps de sa création devant nous, temps reproduit à l’identique — identité stérile du même —, certains théâtres travaillent le sens comme une matière qu’ils font vivre à mesure de notre temps : et le temps du spectacle et le temps du spectateur se conjoignent, se forme et se déforme, se transforme [11] voire se performe, la question étant finalement celle de notre présent partagé.

C’est en cela que le sens du spectacle se redéfinit. Il n’y est plus l’enjeu d’un double moment – celui que rappelle Deleuze au début du chapitre essentiel sur les singularités dans Logique du sens : impassibilité et genèse, neutralité et productivité [12] –, mais d’un enveloppement et d’une traversée. En cela y a-t-il du sens, dans les spectacles de théâtre ; non pas celui plein et transcendant du sens réclamé par un automobiliste qui emprunte la voie rapide, évitant soigneusement sens interdits et contre-sens, mais un sens fracturé et incomplet, qui échappe à la réalisation pour mieux s’inventer à chaque moment de son actualisation, et qui dans chacun de ses moments ne peut se percevoir que comme surgissement : la production d’un effacement, et la construction, en avant, d’inconnus, élaboration qui nous met en regard du monde, puisque le sens du sens échappe à l’œuvre, pour s’inventer dans cette mise en rapport de nous et du dehors, l’inscription d’une relation qui nous jette au monde.

Depuis vingt ans, quelque chose s’est semble-t-il radicalisé ; sur le plateau, le théâtre ne fait désormais plus œuvre, sans pourtant que ce mouvement soit renoncement, ou retranchement, mais bien plutôt conquête, affranchissement. À l’œuvre close par le sens, déterminé par son origine – textuelle, livresque –, scellé par l’autorité d’un Père – l’auteur, dont une part de l’étymologie nous informe qu’il est le garant –, se sont substitués des spectacles diffractés et composites quant à leurs sources, leurs ressources et leurs processus : le metteur en scène devient l’auteur premier, dont une autre part de l’étymologie nous apprend qu’il est celui qui augmente. Qu’on parle de spectacles construits par montage [13], ou fabriqués et écrits « au plateau », ou issus de matériaux non-théâtraux (des théâtres-documentaires aux transpositions), la syntaxe même de la genèse des spectacles interdit d’assigner une origine absolue qui serait dépositaire de sa signification. Même quand le spectacle est issu d’un auteur-metteur en scène, le travail au plateau tend à défaire et reconstruire l’écriture pour s’ouvrir à l’invention d’une écriture seconde et singulière : que l’on pense au travail de Dieudonné Niangouna [14], qui affirme se battre, sur scène, avec et contre l’auteur des textes qu’il monte – et qui sont les siens.

Dans d’autres perspectives, Krzysztof Warlikowski [15], Franck Castorf [ Par exemple, en 2012, à l’Odéon-Théâtre de l’Europe, La Dame aux camélias, d’après l’œuvre de Dumas, Histoire de l’œil, de Georges Bataille, et La Mission, de Heiner Müller. Par exemple, en 2012, à l’Odéon-Théâtre de l’Europe, La Dame aux camélias, d’après l’œuvre de Dumas, Histoire de l’œil, de Georges Bataille, et La Mission, de Heiner Müller.]] ou Krystian Lupa [16], par exemple, ont renoncé depuis près de dix ans, avec quelques allers et retours, à travailler depuis l’origine close d’une œuvre écrite pour le théâtre : la production plutôt que le produit, et le geste et son processus, davantage que l’acte et la réalisation, les intéressent au plus haut point, car c’est dans ces mouvements que le sens, non plus se retrouve, mais s’élabore.

Et quand un metteur en scène poursuit le dialogue avec un texte et un auteur, c’est pour le briser de l’intérieur, en multipliant ses points de fuite par d’autres dialogues. Ainsi, dans ses derniers spectacles, Thomas Ostermeier fracture le temps de la représentation pour confier la parole — l’exiger — aux spectateurs ; à eux de prendre parti, au sein de l’intrigue : par exemple, dans L’Ennemi du Peuple [17], quant à l’attitude que devrait adopter le docteur Stockmann, de dénoncer les mensonges de l’administration, au risque de compromettre la vitalité économique de la cité, et donc d’appauvrir les citoyens. Le sens ne se confond plus dans l’intrigue conçue par Ibsen, mais réside dans sa manipulation — qu’Ostermeier qualifierait volontiers de démocratique (de sociale-démocratique ?). Il s’agit d’échapper, théoriquement, à la verticalité du pouvoir qu’impose le sens émanant de la scène, pour diffuser, dans une horizontalité fuyante les sens possibles, tremblants, instables, que s’échange la salle : le sens n’y serait plus, idéalement [18], consensus, mais partage des dissensus. Déplier une œuvre n’est plus l’ouvrir à la compréhension pleine et entière de l’autre, mais désigner où sont les plis d’un texte.

Mouvements qui n’ont rien d’exemplaire, mais disent assez combien la fabrication de spectacles en prise avec notre temps — celui du flux et de la flexi-sécurité, de la mobilité et la délocalisation comme violence, de l’émigration comme exil et espoir — passe par une appréhension capable de lui répondre, d’en répondre. Multiplicité, hétérogénéité, mutation, transgénéricité, labilité complexe et obsédante de formes qui font violence à la forme, jusqu’à la disparition de toute assignation identitaire. C’est là sans doute que peut résider la résistance la plus grande au sens conçu comme une finalité, un contenu — plus fécond en effet que la clôture de l’œuvre donnée, paraît le mouvement vers le dessin inachevé d’un ensemble plus grand que soi. Comme s’oppose au traité politique – qui donne l’illusion de régler une fois pour toutes le destin des peuples –, le projet bâti collectivement, en chantier permanent, qui obéit aux lois des rapports de forces et des imaginaires en devenir.

À la tentation réductrice du genre, de l’identité rabattue sur les rapprochements à l’identique, on voit ce que l’indexation de postdramatique [19] peut avoir de commode [20]. On sait aujourd’hui la (grande) fortune d’un terme qui tend à relever du slogan, voire pis. Rassemblant des marques de fabrique, ou des voisinages plus ou moins expérimentaux, œuvrant sur la question du drame parce qu’elle s’est de longtemps confondue avec celle du théâtre, l’ouvrage de Lehmann n’est pas sans efficacité, au moins (au plus) pour tâcher d’assembler des théâtres disparates au seul ou presque motif de leur disparité. Mais espace de résistance à l’identité et à l’origine, puisant dans le processus de création les forces de renouveler non plus seulement le drame, mais les facultés de ce terme – jusqu’à pouvoir s’en passer, et à faire oublier son sens (action, conflit, représentation d’un spectacle ?), ces espaces de tension des paroles et des gestes, et de fabrication de temps, écritures qui disposent du sens comme de l’espace – parcourir une distance, c’est éprouver le temps, en épuisant le corps, c’est désigner par son corps la frontière qu’on longe, et l’assaillir – paraissent pour chacune leur propre projet, et dialoguent avec leur temps en l’arasant, puisque le temps passe, c’est sa nature, altère et défait en se faisant.

L’Événement théâtral – batailles et théâtre d’opérations

À ce titre, le théâtre n’est-il pas l’un des rares, l’un des derniers événements de nos vies ? Si, avec Walter Benjamin, on peut dire que l’expérience s’est tellement dévaluée, démonétisée à force d’écrans faisant écran à la puisée directe et sensible de forces qui nous relieraient à l’imaginaire des existences, il pourrait être ce lieu, ce temps, où le lieu et le temps se dressent comme d’eux-mêmes, et pour eux, développent leurs mouvements, interrompent la vie au dehors, et par la coupure que le spectacle opère, brisent la clôture de l’œuvre : paradoxe vivant de cette séparation qui maintient les solitudes par la communauté assemblée autour d’elles.

L’Événement par excellence, écrivait Gillles Deleuze dans ce chapitre des Singularités, c’est la bataille. Celle écrite par Stendhal différemment d’Hugo, où les individus qui décident du sort de la bataille ignorent tout à fait l’issue de la bataille. Leur corps engagé dans le corps à corps qui pour eux fait la décision de la vie ou de la mort compte peu dans le basculement de la victoire ou de la défaite. Ensemble au milieu duquel les masses sont la part la plus infime, la bataille est traversée par des micro-événements qui la constituent sans la déterminer, l’accomplissent sans l’orienter. Les soldats qui se battent et livrent bataille n’ont de l’idée du combat que celle qui les sépare du corps de l’autre. Le sens du combat, pour eux, n’existe pas plus que celui de la vie ou de la mort de chacun. La bataille s’incarne en eux – jusqu’à la chair. Mais que le soldat meure, et ce n’est pas la bataille qui est perdue, uniquement son combat ; et encore, la bataille gagnée, sa mort au combat n’a-t-elle pas participé à la victoire ? « La bataille survole son propre champ [21] » – parce qu’en elle demeure l’indifférence de cela qui l’agit comme malgré elle, en sa faveur ou contre elle. Que reste-t-il aujourd’hui des batailles, à l’heure où elles se livrent à distance, sur des immensités anonymes, par drones, ou bombardements intensifs qui arasent le réel pour le livrer aux combats à mains nues ou presque au milieu des ruines – tandis que l’issue de la guerre se dessine sans doute déjà ailleurs ? Batailles rares, dont on peut deviner qu’elles le seront de plus en plus avant de disparaître localement, pour se donner globalement, sans date ni repères, sans trêve ni frontières — ou au hasard d’une bombe lâchée dans la rue destinée aux passants, à tout le monde, à personne ; d’une rafale dans des bureaux, morts avant de saisir qu’ils vont mourir : morts au combat sans qu’ils sachent même qu’ils livraient bataille. Échelle neuve de la mondialisation qui aura fait du lieu du combat l’espace invisible de sa tenue, potentiellement partout, réellement nulle part.

Du théâtre, on ne dira pas qu’il remplace la bataille – mais de ces formes que prend l’événement demeure au théâtre une part de cet ancien enjeu, dépouillé des enjeux de vie et de mort, sauf à l’entendre au sens où Artaud le désirait : le théâtre pour mettre à mort la vie dans ses illusions mortes. Le sens du combat ne relève ni du particulier, ni du général, ni de l’objectif, ni du subjectif – « du point de vue de la modalité, il n’est ni assertorique, ni apodictique, ni même interrogatif [22] » –, mais plane un principe mobile, actif, qui peut être activé par chacun et tous, distribution labile, loin de la fixité du sens originaire. Au spectacle qui parle revient la modalité de la « quatrième personne du singulier », comme l’entend Lawrence Ferlinghetti [23] – expression qui revient, dans des sens différents, chez Valère Novarina ou Jean-Michel Maulpoix, pour qualifier chaque fois non une indistinction du sens, mais cette vibration extérieure du sens que nous percevons sans origine et fait signe vers ce que Nietzsche appelait le sans-fond, où parlent mille voix qu’il fit parler en lui, pour y mourir.

Spectacle de Marie Vayssière, avec Miloud Khetib, qui expose dans La Récitation du chant I de L’Énéide de Virgile [24], son corps seul en lutte avec la parole ancienne, sans autre fiction que celle de cette solitude face à d’autres, nous-mêmes face à cette mémoire commune perdue, une heure travaillée par l’adresse, violente et fébrile, comme à chaque instant menacé de se rompre et qu’il s’agit à chaque instant de vitaliser. Et l’errance d’Énée résonne dans la voix de Miloud Khetib avec celle des peuples d’aujourd’hui et de toujours, des migrants de la Méditerranée qui ne cessent de s’échouer sur des rives à jamais étrangères. À la ferme tenue de la langue, du dépouillement d’un jeu qui s’efforce de rejoindre ce point jusqu’où le jeu s’absente, répond ainsi la fragilité d’un partage qui peut ne pas rejoindre : langue morte, pays qui ont disparu ou changé de nom (comment reconnaître un pays en dehors des Parlements ?), colère de dieux évanouis dans le ciel des idées, anachronisme absolu travaillé par une présence sur scène qui tend à en produire l’urgence, l’affolement, la nécessité politique de l’entendre, pour percevoir non pas d’où viennent les poèmes, mais où vont les peuples quand ils trouvent dans une langue les pays à conquérir, puisque c’est d’abord dans la langue que les peuples trouvent lieu d’inventer leur appartenance et leur projet.

Spectacle de Jacques Nichet et Aurélia Guillet, Pulvérisés [25], où deux comédiens jouent tous les corps contemporains : dominants, dominés, homme d’affaires et ouvrier, spectre large d’une humanité réduite à sa sociologie composite, mais que la mise en scène parvient à déjouer. C’est une seule journée traversée dans le jet-lag d’un monde construit par ses fuseaux horaires : au transit permanent du businessman répond l’ennui terrifiant du labeur de l’ouvrière employée à peu de frais à l’autre bout du monde. Incendies, grèves qui sont des mutineries, réactions en chaîne brisées, baisse de courbes, morts, désarroi, mélancolie des hôtels d’aéroport, joie arrachée des bidonvilles d’Asie, perte de capital : liaisons logiques et déliaisons permanentes d’un réel qui fabrique une humanité par défaut, calculée, envisageable sur graphique, et dont les résistances ne peuvent avoir lieu que dans l’arrachement total, la violence la plus destructrice. Plutôt que la reproduction à son échelle de ce réel, le spectacle travaille le face-à-face de corps adressés à eux-mêmes, par nous, parole construite incessamment et miroir brisé infiniment. Façon d’altérer l’édification morale (qui ne produirait que de l’indignation à peu de frais), manière surtout d’élaborer des failles et de nous les renvoyer, visages multipliés par les débris de la surface. Installation d’écrans immenses dans le noir total qui rendent visibles les détails de visages imperceptibles : un dispositif qui porte l’éthique de tout un monde intérieur, un contre-projet. Aux deux acteurs présents – mais qui ne se parlent jamais – revient la force de désincarner les rôles pour trouver dans la présence ce qui permet à la fois de mettre à distance la fiction et de nous approprier le réel. La bataille livrée sur scène parle, via cette quatrième personne du singulier qui escamote la possibilité d’un dépôt du sens par un Je supérieur, pour mieux se donner la faculté de dévisager le spectateur, de le défier et d’en répondre, s’il l’ose.

Espace diffracté en tant que tel, immanent par usage, où les corps sur scène ne sont pas ceux-là qui, après la fin, évolueront parmi nous, où le temps levé interrompt le temps que la vie a interrompu au dehors, dans ses flux aberrants d’un quotidien qui ne cesse pas de se succéder à lui-même, le théâtre de notre temps paraît investir radicalement ce champ de bataille laissé par la bataille pour saisir en nous l’expérience de l’Événement : celui de l’unique, du jamais-vu, de l’apparaître [26] comme condition de surgissement de la beauté – de la beauté comme qualité d’apparition du neuf, arme pour renouveler intérieurement le monde.

Dès lors, le temps de la représentation s’anéantit dans celui de sa saisie, et quelque chose de la figuration de la fable se perd comme alibi de l’œuvre pour se réaliser dans la présence réelle de corps dressés à travers la forme donnée, par la forme et en elle accomplis. Que la performance ne se distingue plus de la représentation, les catégories anciennes devenant caduques pour rendre compte des spectacles, relève d’un mouvement de dispersion du sens – non son annulation, mais sa pensée neuve, et comme il rebat les cartes. Le sens n’est plus antérieur au spectacle, celui que la représentation a charge de (re) donner, il est construit par celui qui en reçoit les forces. Dans cette bascule de la scène à la salle, ce qui se joue désormais est bien d’ordre politique. La scène n’y est plus l’enjeu d’un savoir ni d’une complétude déjà établie ; et la salle n’y est pas l’espace à qui est attribuée la faculté d’un jugement : mais de part et d’autre, à équidistance des paroles qui sont jetées, ce qui est en jeu, c’est la lente et possible (car toujours elle est un pari) transformation des corps et des esprits. Pas de scènes véritables sans la mise à nu de ces processus de transformations : où la représentation n’intervient pas à l’issue du processus de création, mais en son milieu – là où les formes du devenir prennent de la vitesse. Le sens, loin de résider dans cette transformation seulement, tient à la faculté à se saisir de celle-ci pour en faire usage, ailleurs.

Parade et sauvageries

Refuser de chercher à obtenir le sens, ce ne serait pas récuser au théâtre la faculté d’être traversé par le sens, mais s’empêcher de penser le théâtre comme contenant, avec du sens en lui ; comme maître et possesseur du sens, d’un sens ; comme détenteur d’un sens originaire qu’il serait capable de reproduire à l’identique de lui. Percevoir plutôt combien c’est dans cette traversée du sens – son élaboration laborieuse, sa fabrication patiente et commune, son invention permanente – que réside le sens de ce geste : celui de perdre du temps, de s’adonner à cette vieille tâche, aller au théâtre, et considérer que réside là quelque chose comme les moyens de s’armer.

Ce que donnerait le théâtre – du moins certains théâtres qu’il ne s’agit pas de défendre puisqu’ils se construisent eux-mêmes comme des défenses –, ce ne serait pas une explication du monde, mais des outils, sensibles, pour l’affronter. En cela, il ne nous livre pas la signification du réel, mais nous en délivre, comme pour réaliser en nous d’autres sens : l’acquisition de ce que Michaux appelait des propriétés, un corps poussé sur notre corps capable d’éprouver différemment, plus singulièrement, le monde à la sortie du spectacle, quand commence ce pour quoi le temps du théâtre a commencé et pris fin.

Là peut commencer le sens de ce qui a eu lieu – l’anfractuosité dans le temps d’un commencement et d’une fin —, cette pensée du monde qui rend possible le théâtre. Au-dehors, quand le spectacle est rejeté dans l’oubli qui commence, plus armé qu’avant de sens sur ce corps neuf dont nous avons fait la conquête, grâce au théâtre, nous sommes au monde. De ce qui nous entoure ou nous cerne, ce qui nous traverse ou nous interrompt, nous ne savons peut-être pas le nommer. Cette réalité qu’on dit nôtre, et que nous partageons, son scandale, sa profondeur, sa vérité peut-être, parfois. Comment la penser ? Comment la penser puisque d’elle nous paraissons émaner, et si mêlés d’elle que nous ne faisons pas la différence souvent entre ce qui est produit par elle et ce qui la produit. Biais du théâtre, pas de côté salutaire : pour percevoir la lumière, du moins faut-il être dans l’ombre et intercepter le spectre. Peut-on penser le monde sans le théâtre ? Peut-on penser le monde sans penser le théâtre ? Faisons le pari que non. C’est qu’une telle pensée du théâtre, en intensité, où le sens épars est la construction même de la condition du sens, permet de renouveler le monde. Tâche politique, en ce qu’il revient à chacun de l’accomplir en soi, et qu’elle ne peut avoir lieu que dans le lieu commun où nous sommes – qu’elle est, aux prémices de l’action, l’invention même des formes que peut prendre le monde pour avoir lieu, en nous, en l’autre. Si dans la solitude où je suis confié au théâtre, « j’ai seul la clé de cette parade sauvage [27] », c’est dans la mesure où tout m’incite à franchir, parce que la sauvagerie est l’autre nom d’un nouveau monde, et cette parade, la folie dont le théâtre s’empare pour tracer dans l’air les gestes qui sont autant l’horizon que la promesse.


[1Passim, mise en scène et scénographie de François Tanguy. Création le 7 novembre 2013 au Théâtre national de Bretagne à Rennes.

[2Voir à ce sujet le dossier de la revue Esprit paru en décembre 2014 et consacré à ces disjonctions : « Changer de rythme », articles de Alice Béja, Thierry Paquot, Sandra Mallet, Luc Gwiazdzinski, et Michel Dussault.

[3 Quand il revint à François Tanguy de prendre la parole, au cours de la soirée de présentation du numéro de Théâtre/Public qui suivait la représentation, ce 9 octobre 2014 – quelques minutes donc après ce cri du spectateur – c’est à un bref et salutaire développement de cette expression, « la sommation du sens », que se livra le metteur en scène.

[4L’Aiôn, divinité grecque de l’éternité (d’un présent permanent, plutôt), qui, avec Kronos (le temps du déroulement) et Kaïros (celui de l’occasion qui passe), constituait l’une des trois entités qui formaient l’idée même de Temps pour les Grecs de l’Antiquité.

[5Gilles Deleuze, Logique du sens, Minuit, 1969, p. 190 et suivantes.

[6Gilles Deleuze, Logique du sens, op. cit., p. 76.

[7Idem.

[8Par exemple : « Dans ce théâtre qui a largué toute amarre narrative émergent des images – de mort, de démesure, d’amour, suivant une dramaturgie onirique et évanescente. » — Texte de présentation du spectacle par le Festival d’Automne.

[9 « Bruitage ouvrier d’un labeur insistant et redit, appuyé, jusqu’à l’épuisement de sa matière en elle-même, par elle-même. Ferraillements du quotidien de l’acteur, ferraillements cinglants de la scène agie qui encrasse la ligne musicale et la ligne de l’oralité en des endroits dispersés mais réguliers. Ce serait un théâtre des recoins dans lesquels furtivement il se passe quelque chose qui est simplement la préparation au mettre en scène de la mise en scène […] », Jean-Paul Manganaro (texte élaboré à partir de « Ça qui n’est pas là »).

[10Traduction délicate : « À quoi bon des poètes en un temps de manque / de crise ? »

[11Les représentations d’un même spectacle du Radeau ne sont jamais les mêmes exactement : non pas qu’il évolue (comme s’il devait grandir pour atteindre sa maturité), bien plutôt qu’il bouge.

[12Gilles Deleuze, Logique du sens, op. cit., p. 122.

[13Voir, par exemple, J. Degenève et S. Santi (dir.), Le Montage comme articulation. Unité, séparation, mouvement, Presses Sorbonne nouvelle. L’article consacré au théâtre porte justement sur le Théâtre du Radeau : Christophe Bident et Christophe Triau, Déliaison, tension, variation : pratiques du montage chez François Tanguy et le Théâtre du Radeau ».

[14Dernier spectacle : Le Kung Fu, dans une mise en scène de l’auteur, créé aux Laboratoires d’Aubervilliers en juin 2014 (paru aux Solitaires Intempestifs, septembre 2014).

[15Depuis 2007 et Angels in America, Krzysztof Warlikowski (exceptée la commande de l’Odéon, en 2010, d’Un tramway d’après Un tramway nommé Désir, de Tennessee Williams), : (A)pollonia en 2009 (d’après Euripide, Eschyle, H. Krall, J. Littell, J. M. Coetzee) ; La Fin (Koniec) en 2011, d’après Nickel Stuff, de B.-M. Koltès, Le Procès et Le Chasseur Gracchus, de F. Kafka, Elizabeth Costello, de J.M. Coetzee ; Contes africains d’après Shakespeare d’après Othello, Le Marchand de Venise, Le Roi Lear, de W. Shakespeare, et d’après des écrits de J.M. Coetzee et W. Mouawad ; et Kabaret Warszawski, d’après I Am a Camera, de J. V. Druten, Les Bienveillantes, de J. Littell, Shortbus, de J. C. Mitchell, Tango : My Childhood, Backwards and in High Heels, de J. V. Bond.

[16Persona. Marylin, en 2011, ou Perturbation, en 2013 d’après le roman de Thomas Bernhard.

[17Ein Volksfeind (Un Ennemi du peuple), Adaptation de Florian Borchmeyer, d’après En Folkefiende de Henrik Ibsen, mise en scène Thomas Ostermeier pour la Schaubhüne de Berlin.

[18Idéalement seulement. On devine en effet l’écueil possible d’une telle dramaturgie prétendument ouverte, ostensiblement et spectaculairement offerte, et qui prétend confier le pouvoir au peuple (pour reprendre le titre du dernier spectacle). La relocalisation des positions de pouvoir est une tendance difficilement évitable — car qui donc est capable de prendre la parole devant une foule, et tenir discours en public, élaborer une pensée sur l’instant, sinon ceux qui ont déjà l’habitude de prendre cette parole ? La parole, on la prend en effet toujours à quelqu’un. Et ceux qui gardent le silence, dans ce moment de théâtre-forum, le possèdent comme la mutilation de l’auditeur, plutôt que comme l’instrument actif du spectateur de théâtre. Dans un tel dispositif, difficile surtout de ne pas voir que c’est à la scène qu’appartient le pouvoir, et ce d’autant plus qu’il ne fait que le concéder à la salle. Ainsi, quand le débat s’essouffle, c’est la scène qui reprend le pouvoir : on éteint les lumières et le jeu reprend ses droits (à Londres en septembre 2014 par exemple, au moment où des spectateurs quittaient la salle, un acteur s’est écrié : « ne partez pas, ça reprend ensuite » — manière de dire que quelque chose (de plus essentiel ?) s’était arrêté ?)

[19Hans Thies Lehmann, Postdramatisches Theater, Francfort, Verlag der Autoren, 1999, L’Arche, 2002.

[20Sur cette question, la salutaire mise en lumière des limites de l’ouvrage de H.T. Lehmann, tant méthodologiques que conceptuelles, apportée par Christophe Bident : « Et le théâtre devint postdramatique : histoire d’une illusion », Théâtre/Public, no 194, septembre 2009, p. 76-82.

[21Gilles Deleuze, Logique du sens, op. cit., p. 122.

[22 Ibid., p. 123.

[23 Cité par G. Deleuze, p. 125. On retrouve cette expression de L. Ferlinghetti dans son court poème-manifeste « La poésie est partout », paru initialement dans le San Francisco Chronicle, repris in Courrier international, no 733, 18 novembre 2004.

[24Créé en 2013 au Théâtre des Bernardines, à Marseille. Traduction du texte par Dominique Buisset.

[25Créé en 2014 au Théâtre national de Strasbourg. Texte d’Alexandra Badéa. Avec Stéphane Facco et Agathe Molière.

[26 « Instant de l’Apparaître qui, au sens où Arendt le souligne, n’est autre que le moment furtif où l’œuvre se détache du quotidien délabré pour venir hanter et s’imposer dans l’horizon humain. », Yannick Butel, au sujet de Passim, critique pour la revue en ligne L’Insensé.

[27Arthur Rimbaud, « Parade », Illuminations, GF-Flammarion, 1989, p. 60.