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chaque jour suffit sa pierre

lundi 30 août 2010




As The Dawn Breaks (Richard Hawley, ’Truelove’s Gutter’ 2009)


N’ai jamais été sensible à la vieille légende de Sisyphe — sans doute à cause de la lecture de Camus, psychologisation ridicule [1] — : quand il s’agit d’envisager la succession du jour, un soir comme ce soir où la journée sera identique à demain, j’ai en tête les gros blocs de pierre des Bories, insensés, impossibles à dater (parce qu’élevés rigoureusement selon la même méthode : dès lors, comment savoir si tel ensemble a été construit il y a dix siècles ou dix ans) : une architecture sans progrès, seulement la trace plus ou moins visible de la pluie sur les pierres. Mais ici, il pleut rarement.

Lever 6h, ai assisté au jour, n’avais pas vu depuis longtemps (le printemps) le début du jour : marcher dans la première fraîcheur de l’automne, traîner un peu avant de rentrer, attendre que la dernière étoile s’éteigne : et quand j’écris cela à l’instant, la voilà qui s’allume de nouveau — décidément, le jour, c’est de l’espace différé, rien d’autre.

Bâtir la journée comme on déferait patiemment les blocs de pierre d’une maison, et le soir, on aurait comme un tapis de cailloux qui donneraient de quoi lancer une route — ou une sépulture, ou un barrage, ou une autre maison. On l’élèverait à l’identique : on y laisserait du sang sur les parois. C’est ainsi qu’on la reconnaitrait : c’est ainsi qu’on l’habiterait.

[1_il faut imaginer S. heureux.