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Anticipations | publie.net

dimanche 7 mars 2010


nouvelle version, revue et augmentée, 10 mars 2010



Le travail sur recits brefs, avec creuset fantastique, projection poétique sur le réel et ses déformations, a commencé l’été 2007, avec une première publication sur publie.net de 7 récits en janvier 2008 ; une seconde publication en janvier 2009 augmentée à 24 textes avec une nouvelle mise en page (avec photographies) a permis d’aller plus avant dans la butée du rêve quand on s’y cogne ; et en mars 2010, une troisième publication, avec 39 récits, prolonge encore le texte.

C’est la grande chance d’internet : prolonger un travail en cours, sans souci de fermeture contractuelle , de contrainte papier, de lourdeur de publication — on sédimente l’état premier d’un travail, et sur son appui on le détourne ou le continue ; geste de récriture qui rejoint celui des copistes du Moyen Age, quand bien même c’est sur notre propre texte qu’on reprend, qu’on prolonge, qu’on récrit.

M’est avis que ce n’est pas le même texte à chaque fois [1], alors que je ne touche rien à l’amont, mais que l’aval redispose (aimerait le faire à tout le moins) ce qui a été écrit. Et dans le chantier fantastique ouvert, on donnerait à voir (pour soi d’abord) le mouvement qui se déporte vers et qui n’accomplit pas encore le boucle qui le fermerait — pas un hasard pour moi que cela touche précisément à un travail depuis/sur le fantastique : récits brefs qui sont autant de ponction au réel, n’envisagent le monde que dans son détail et son possible, n’écrivent que l’instant affolé de sa perte.

« Oui, on délire le monde tous ensemble - on le ’dé-lire’ même peut-être. » (G. Deleuze)

Délire-monde encore en cours, partout où on le pourra.



Anticipations,
Arnaud Maïsetti.
PDF 176 pages, eBook.
ISBN 978-2-8145-0123-2.
A feuilleter librement ci-dessus : les 25 premières pages.
Téléchargement zone risque 5,50 euros.

nouvelle version, revue et augmentée, 10 mars 2010



Voir des lectures critiques de Anticipations :

 Les rêves sans réveil de A. Maïsetti — par Laurent Margantin, dans ses œuvres ouvertes
 Lecture — par Christine Jeanney, dans Pages à Pages


anticipation #3 | récit fantastique


Le Pan de mur

Près de l’ancienne prison transformée aujourd’hui en musée, se tenait encore un pan du mur bâti en toute hâte lors de la dernière épidémie.

Sur les parois hautes de plusieurs dizaines de mètres, on pouvait encore lire les vieilles inscriptions à demi effacées de la population jadis affolée, les prières adressées au mur, au ciel ou au gouvernement, de grâce protège nous, les appels à la contrition, pardonne nos enfants, les promesses de conversion, nous ne serons plus ce que nous sommes ; on devinait aussi par endroits des insultes étranges en forme de lettres illisibles mal recouvertes par des écritures plus nettes, plus officielles.

Il y a quelque temps, au soir, certains se sont mis à roder autour du mur devenu inutile, mais qu’on a conservé en signe de reconnaissance, ex voto en lui-même, immense et collectif. Secrètement, des types ont commencé à peindre en noir des lettres, quelques mots, puis des phrases insensées en forme de prières telles qu’on les pratiquait autrefois. Que nos volontés soient faites. Mais sans objet désormais, dépouillées de leurs dévotes intentions, ces phrases devenaient autonomes, et détachées de tout contexte, incompréhensibles —élaborant entre elles un mystérieux code dont la clé nous échappait, heureuses les pierres : le royaume des ruines est à eux.

On ne savait pas au juste qui écrivait cela, si c’était un homme seul, ou s’ils étaient plusieurs, s’ils se concertaient ou non. Nous signons les yeux fermés. Chaque jour, de nouvelles inscriptions apparaissaient, que l’aube ne cesse pas, se répondaient, et que le jour s’achève sur elle, sans que personne ne sache de quoi il en retourne, les murs ont vos oreilles et ces oreilles ont nos bouches.

Des phrases vides de sens, mais qui commençaient, tous le pressentaient, une histoire inquiétante et sauvage, ce qui débute n’aura pas lieu en dehors de vous. On craignait peu à peu ce qu’on lirait le lendemain. Mais n’aura pas d’autre époque que celle qui vous enterrera. Tout cela prit de l’ampleur, certaines phrases troublèrent davantage, nous sommes trop jeunes pour vos souvenirs, puis, en palimpsestes, les inscriptions ont commencé par détourner les anciennes — incluant certains mots, transformant leur sens, demain encore hier.

Décision fut prise d’abattre le mur. La veille de sa démolition, sur plusieurs mètres, une phrase peinte en noir, les murs meurent le ventre ouvert.

Le lendemain, la maladie était de nouveau entrée dans la ville.


et quelques extraits en lecture libre sur carnets, fictions du monde


[1_mise en page à chaque fois neuve. Merci à François Bon pour renouveler à mesure le texte dans son exposition, et comment le livre numérique s’invente et émerge quand on l’approche de l’intérieur...